La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/07/2006 | FRANCE | N°294135

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 06 juillet 2006, 294135


Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le président de la Polynésie française, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 portant adoption en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ;

il soutient que l'urgence résulte du caractère grave et immédiat de l'atteinte portée au statut d'autonom

ie de la Polynésie française ; que la matière fiscale relève de la compétenc...

Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le président de la Polynésie française, qui demande au juge des référés du Conseil d'Etat de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 portant adoption en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts ;

il soutient que l'urgence résulte du caractère grave et immédiat de l'atteinte portée au statut d'autonomie de la Polynésie française ; que la matière fiscale relève de la compétence de la Polynésie française en vertu de la loi organique du 27 février 2004 ; que l'Etat ne pouvait par suite prendre une ordonnance sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution ; que l'ordonnance méconnaît le principe d'égalité en étendant la taxe d'aéroport aux seuls aérodromes appartenant à l'Etat, à l'exclusion des aérodromes appartenant à la Polynésie française ;

Vu l'ordonnance n° 2006-482 du 26 avril 2006 dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête tendant à l'annulation de cette ordonnance ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2006, présenté pour le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Polynésie française au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie ; que l'Etat est compétent pour instituer une taxe assurant le financement des missions de sécurité aérienne qui lui incombent en Polynésie française ; que cette taxe pouvait être créée par une ordonnance ; que les critères retenus par l'ordonnance contestée conduisent à n'instituer la taxe que pour l'aérodrome de Tahiti-Faa'a, qui est dans une situation différente des autres aérodromes en raison de l'importance de son trafic ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le Président de la Polynésie française et d'autre part, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, le Premier ministre, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre de l'outre-mer ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 3 juillet 2006 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, ainsi que les représentants du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que l'ordonnance du 26 avril 2006, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, étend et adapte, notamment en Polynésie française, les dispositions de l'article 1609 quatervicies du code général des impôts instituant une taxe d'aéroport au profit des exploitants d'aérodromes, en fonction du trafic de ces aérodromes, afin de financer les services de sécurité ; que le président de la Polynésie française demande la suspension de cette ordonnance ;

Considérant, d'une part, que les dispositions du 8° de l'article 14 de la loi organique du 27 janvier 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française donnent compétence aux autorités de l'Etat en matière de « police et sécurité concernant l'aviation civile » ; que s'il résulte des articles 13, 14, 102 et 140 de cette loi que la Polynésie française exerce une compétence fiscale, cette compétence ne concerne que des impositions instituées au profit de cette collectivité ou, dans les cas prévus par la loi organique, au profit d'autres collectivités de la Polynésie française ; que dans ces conditions, les moyens tirés de ce que l'ordonnance contestée serait entachée d'incompétence et méconnaîtrait les dispositions de l'article 74-1 de la Constitution et de la loi organique du 27 février 2004 ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette ordonnance ;

Considérant, d'autre part, que les critères retenus par l'ordonnance contestée ont pour effet d'instituer la taxe d'aéroport au profit du seul aérodrome de Tahiti-Faa'a, qui, eu égard à l'importance de son trafic, notamment international, est dans une situation différente des autres aérodromes situés en Polynésie française, qu'ils appartiennent à l'Etat ou à une autre collectivité, au regard des objectifs poursuivis par l'institution de la taxe d'aéroport ; que le moyen tiré d'une violation du principe d'égalité au titre de la détermination des aérodromes concernés ne paraît donc pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de l'ordonnance contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du président de la Polynésie française doit être rejetée ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la Polynésie française la somme que demande l'Etat au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépenses ;

O R D O N N E :

------------------

Article 1er : La requête du président de la Polynésie française est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au président de la Polynésie française, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'outre-mer.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 294135
Date de la décision : 06/07/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2006, n° 294135
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Philippe Martin
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:294135.20060706
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award