Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mars et 1er juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, rue du Vergne à Bordeaux Cedex (33059) ; la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision en date du 11 mars 2003 de son directeur général émettant un avis négatif à l'octroi à Mme Eliane A de l'allocation temporaire d'invalidité ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 63-1346 du 24 décembre 1963 ;
Vu l'arrêté interministériel du 5 juin 1998 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Pierre Balcou, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme Eliane A, infirmière au centre hospitalier de Longjumeau, victime d'une fracture ouverte de la jambe droite reconnue imputable au service, a demandé à bénéficier à ce titre d'une allocation temporaire d'invalidité ; qu'une première expertise réalisée par le docteur C à la demande de la commission de réforme de l'Essonne a évalué à 10 % les séquelles de la fracture ; qu'après instruction du dossier médical transmis par la commission de réforme, le service gestionnaire de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS a chargé le docteur D de procéder à un nouvel examen de l'intéressée ; que celui-ci a conclu dans son rapport du 23 février 2003 que les séquelles constatées représentent une incapacité permanente partielle évaluée à 5 % ; que, par lettre du 11 mars 2003, la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS se référant au seul rapport du docteur D a fait connaître à Mme A que le taux d'invalidité imputable à son accident n'atteignant pas le taux de 10 %, elle émettait un avis négatif sur sa demande d'allocation ; que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS se pourvoit en cassation contre le jugement du 17 décembre 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 80 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : Les établissements mentionnés à l'article 2 ci-dessus sont tenus d'allouer aux fonctionnaires qui ont été atteints d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 p. 100 ou d'une maladie professionnelle, une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec leur traitement dans les mêmes conditions que les fonctionnaires de l'Etat ; que l'article 5 du décret du 24 décembre 1963 relatif à l'attribution de l'allocation temporaire d'invalidité aux agents des collectivités locales et de leurs établissements publics, alors applicable, prévoit que : La réalité des infirmités invoquées par l'agent, leur imputabilité au service, les conséquences ainsi que les taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission départementale de réforme prévue par le régime de pensions des personnels des collectivités locales. / Le pouvoir de décision appartient, sous réserve de l'avis conforme de la caisse des dépôts et consignations, à l'autorité qui a qualité pour procéder à la nomination ; que selon l'article 16 de l'arrêté du 5 juin 1998 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière alors en vigueur ; La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. / Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaire. / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier dont la partie médicale ne peut lui être communiquée que par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / Si elle le juge utile, la commission peut entendre le fonctionnaire et ce dernier peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. ; qu'enfin, l'article 13 du même arrêté prévoit que lorsque l'agent concerné lui présente une demande tendant à l'inscription de son dossier à l'ordre du jour de la commission, l'employeur est tenu de la transmettre à son secrétariat ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que si les dispositions précitées impliquent que le fonctionnaire qui demande à bénéficier d'une allocation temporaire d'invalidité soit mis en mesure de prendre connaissance en temps utile des conclusions des médecins au vu desquelles l'autorité administrative envisage de se prononcer, elles ne font pas de la communication effective de ces pièces une condition de régularité de la procédure ; qu'ainsi, en se bornant à relever, pour annuler la décision litigieuse, que l'intéressée n'avait pas eu communication des expertises des docteurs C et D, sans rechercher si elle avait été mise en mesure d'en prendre connaissance, le tribunal administratif de Versailles a entaché son jugement d'erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les éléments de fait sur lesquels l'administration se fonde pour accorder ou refuser le bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, en particulier la réalité des infirmités invoquées et le taux d'invalidité qu'elles entraînent, doivent, préalablement à cette décision, avoir fait l'objet d'une appréciation par la commission de réforme, laquelle se prononce selon une procédure qui permet à l'intéressé de faire valoir ses arguments ; que, dès lors, s'il est loisible à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS de faire compléter le dossier qui lui est transmis par une nouvelle expertise médicale, ainsi qu'elle l'a fait en espèce, elle ne peut toutefois fonder son avis sur cette pièce complémentaire, sauf à recueillir l'accord de l'intéressé, qu'après que la commission de réforme, saisie du dossier ainsi complété, se soit prononcée à nouveau dans le cadre de la procédure contradictoire prévue à l'article 16 de l'arrêté du 5 juin 1998 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas été demandé à la commission de réforme de l'Essonne de réexaminer le dossier de Mme A au vu de l'expertise demandée par la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS au docteur D postérieurement à l'avis que cette commission avait précédemment rendu sur la base de l'expertise du docteur C qui comportait des conclusions différentes ; qu'ainsi, Mme A est fondée à soutenir que la décision du 11 mars 2003 de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS d'émettre un avis négatif sur sa demande tendant au bénéfice de l'allocation temporaire d'invalidité, en se fondant sur les conclusions de l'expertise du docteur D a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; que cette décision doit, par suite, être annulée ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 17 décembre 2004 est annulé.
Article 2 : La décision du directeur général de la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS en date du 11 mars 2003 est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CAISSE DES DEPOTS ET CONSIGNATIONS, à Mme Eliane A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.