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02/06/2006 | FRANCE | N°286465

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 02 juin 2006, 286465


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre et 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE, dont le siège est 1, Palais de la Bourse à Marseille (13001) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 octobre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ordonner l'expulsion du domaine public aéroportuaire de la S

NC Besson Casella et de tous occupants de son chef, au besoin avec le...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre et 14 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE, dont le siège est 1, Palais de la Bourse à Marseille (13001) ; la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 4 octobre 2005 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ordonner l'expulsion du domaine public aéroportuaire de la SNC Besson Casella et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, aux frais de ladite société et sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;

2°) statuant comme juge des référés, d'ordonner l'expulsion de la SNC Besson Casella, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Besson Casella la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré présentées le 14 mars 2006 pour la SNC Besson Casella et le 18 avril 2006 pour la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Cossa, avocat de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE et de la SCP Lesourd, avocat de la SNC Besson Casella,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l'ordonnance attaquée du 4 octobre 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi d'une demande de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE tendant à ce que soit prononcée l'expulsion du domaine public de l'aéroport de Marseille-Provence de la SNC Besson Casella, propriétaire d'une officine de pharmacie située sur le domaine public aéroportuaire, a rejeté cette requête, au motif que la mesure d'expulsion sollicitée, en ayant pour effet de mettre fin à l'exploitation de cette officine pour laquelle une déclaration d'activité avait été enregistrée par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône, aurait fait obstacle à l'exécution de cet arrêté et, par suite, méconnu les dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de cet article : En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 5125-16 du code de la santé publique, tout pharmacien se proposant d'exploiter une officine doit en faire la déclaration préalable à la préfecture où elle ne peut être enregistrée que si le demandeur remplit les conditions exigées pour exercer la profession de pharmacien, s'il est propriétaire de l'officine et s'il justifie d'un droit de propriété et de jouissance sur le local dans lequel il entend exploiter son officine ; qu'il résulte de ces dispositions que la décision d'enregistrer la déclaration préalable d'un pharmacien se proposant d'exploiter une officine, par laquelle le préfet se borne à constater que les conditions prescrites par les dispositions du code de la santé publique sont remplies, ne peut être regardée comme autorisant, par elle-même, l'exploitation de l'officine ; qu'à supposer même que la décision invoquée par la SNC Besson Casella soit la licence délivrée en application de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique, une telle décision n'est pas de celles visées à l'article L. 521-3 du code de justice administrative, et qui interdirait au juge d'ordonner la mesure d'expulsion du domaine public demandée ; que, par suite, en estimant que la décision par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a enregistré, le 19 mai 1995, la déclaration préalable d'exploitation d'une officine présentée par la SNC Besson Casella faisait obstacle à ce qu'il ordonne son expulsion du domaine public aéroportuaire, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit ; que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'arrêté préfectoral en date du 19 mai 1995 procédant à l'enregistrement de la déclaration d'exploitation d'officine présentée par la SNC Besson Casella ne constitue pas une décision de nature à faire obstacle à ce que le juge des référés prononce, en vertu de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, une mesure d'expulsion d'un occupant du domaine public ;

Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que, s'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait et où, alors que cette décision exécutoire n'est pas devenue définitive, l'occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l'encontre de cette décision, la demande d'expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse ;

Considérant, d'une part, que, pour s'opposer à la demande de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE, la SNC Besson Casella se prévaut de l'illégalité des stipulations de la nouvelle convention d'occupation du domaine public qu'il lui aurait été proposé de conclure, en ce qu'elles auraient méconnu tant les principes qui régissent l'exercice de la profession de pharmacien que ceux de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie ; que, toutefois, il n'est contesté ni que la convention conclue d'abord pour une durée de huit ans, de 1995 à 2003, puis prorogée par un avenant, était venue à échéance à la date du 31 mai 2005, ni que, alors que cette convention prévoyait que son renouvellement devait être demandé au moins six mois avant l'échéance, aucune demande de renouvellement n'avait été formée dans ce délai ; qu'en l'état de l'instruction, les moyens invoqués ne peuvent ainsi être regardés comme soulevant, dans les circonstances de l'espèce, une contestation sérieuse de la mesure d'expulsion demandée par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté, que la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE a engagé des travaux dans le hall n° I de l'aérogare de Marseille-Provence, dans lequel est située l'officine, prévus pour se dérouler de 2004 à 2007 ; que le maintien de l'officine doit ainsi être regardé comme faisant obstacle au bon déroulement de l'ensemble de ces travaux ; qu'il y a, par suite, urgence à libérer le local en cause ;

Considérant que, dès lors, la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE est fondée à demander l'expulsion de la SNC Besson Casella, au besoin sous astreinte ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer cette astreinte à 300 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours suivant la date de notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SNC Besson Casella demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Besson Casella une somme de 3 000 euros au titre des frais engagés par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 4 octobre 2005 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la SNC Besson Casella d'évacuer sans délai le local qu'elle occupe sur le domaine public de l'aéroport de Marseille-Provence, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La SNC Besson versera à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SNC Besson Casella présentées devant le Conseil d'Etat et devant le juge des référés du tribunal administratif et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE MARSEILLE-PROVENCE et à la SNC Besson Casella.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - RÉGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - AUTORISATIONS UNILATÉRALES - ABSENCE D'AUTORISATION - EXPULSION DES OCCUPANTS SANS TITRE DU DOMAINE PUBLIC - DEMANDES ADRESSÉES AU JUGE DES RÉFÉRÉS (ART - L - 521-3 DU CJA) - RECEVABILITÉ - OFFICINES PHARMACEUTIQUES [RJ1].

24-01-02-01-01-01 La décision d'enregistrer la déclaration préalable d'un pharmacien se proposant d'exploiter une officine, par laquelle le préfet se borne à constater en application de l'article L. 5125-16 du code de la santé publique que les conditions prescrites par ce code sont remplies, ne peut être regardée comme autorisant, par elle-même, l'exploitation de l'officine. Ni cette décision, ni la décision délivrant à un pharmacien une licence en application de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique ne sont au nombre de celles visées à l'article L. 521-3 du code de justice administrative. Par suite, de telles décisions ne font pas obstacle à la possibilité pour le juge administratif des référés d'ordonner une mesure d'expulsion du domaine public à l'encontre de l'exploitant d'une pharmacie.

PROCÉDURE - PROCÉDURES INSTITUÉES PAR LA LOI DU 30 JUIN 2000 - RÉFÉRÉ TENDANT AU PRONONCÉ DE TOUTES AUTRES MESURES UTILES (ART - L - 521-3 DU CODE DE JUSTICE ADMINISTRATIVE) - RECEVABILITÉ - MESURES NE FAISANT PAS OBSTACLE À L'EXÉCUTION DE DÉCISIONS ADMINISTRATIVES - NOTION DE DÉCISION ADMINISTRATIVE AU SENS DE L'ARTICLE L - 521-3 DU CJA - EXCLUSION - DÉCISION D'ENREGISTRER LA DÉCLARATION PRÉALABLE D'UN PHARMACIEN SE PROPOSANT D'EXPLOITER UNE OFFICINE (ART - L - 5125-16 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE) ET DÉCISION D'OCTROYER UNE LICENCE D'EXPLOITATION (ART - L - 5125-4 DU MÊME CODE) - CONSÉQUENCE - RECEVABILITÉ D'UNE DEMANDE D'EXPULSION DU DOMAINE PUBLIC VISANT L'EXPLOITANT D'UNE PHARMACIE [RJ1].

54-035-04-02 La décision d'enregistrer la déclaration préalable d'un pharmacien se proposant d'exploiter une officine, par laquelle le préfet se borne à constater en application de l'article L. 5125-16 du code de la santé publique que les conditions prescrites par ce code sont remplies, ne peut être regardée comme autorisant, par elle-même, l'exploitation de l'officine. Ni cette décision, ni la décision délivrant à un pharmacien une licence en application de l'article L. 5125-4 du code de la santé publique ne sont au nombre de celles visées à l'article L. 521-3 du code de justice administrative. Par suite, de telles décisions ne font pas obstacle à la possibilité pour le juge administratif des référés d'ordonner une mesure d'expulsion du domaine public à l'encontre de l'exploitant d'une pharmacie.


Références :

[RJ1]

Comp. 26 octobre 2005, Société des crématoriums de France, p. 447, s'agissant d'un crématorium autorisé par arrêté préfectoral.


Publications
Proposition de citation: CE, 02 jui. 2006, n° 286465
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : COSSA ; SCP LESOURD

Origine de la décision
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Date de la décision : 02/06/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 286465
Numéro NOR : CETATEXT000008259284 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-06-02;286465 ?
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