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02/06/2006 | FRANCE | N°269997

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 02 juin 2006, 269997


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 16 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE, dont le siège est ... (75858) ; la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 juin 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés

auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1987 ; ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 16 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE, dont le siège est ... (75858) ; la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 30 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 7 juin 2000 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1987 ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal et de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Auditeur

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 30 avril 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 7 juin 2000 refusant de la décharger des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes impliqués par la réintégration dans ses résultats d'une provision constituée à la clôture de l'exercice 1987 à raison du risque que les consommateurs fassent usage des bons de réduction dont étaient assortis les marchandises déjà cédées aux réseaux de distribution ;

Considérant qu'il résulte du dossier soumis à la cour que la société Lever, aux droits de laquelle vient la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE, fabrique des produits d'entretien, les vend en gros aux distributeurs et engage régulièrement des campagnes publicitaires consistant à imprimer sur l'emballage de ces produits des bons de réduction que les consommateurs finaux qui les achètent peuvent ensuite utiliser en règlement d'une partie du prix d'autres paquets de ces produits ; que les distributeurs, lorsqu'ils sont ainsi réglés par ces bons de réduction en obtiennent ultérieurement le remboursement par une société intermédiaire spécialisée, laquelle se fait à son tour rembourser par la société Lever ;

Considérant qu'une entreprise est fondée à déduire l'ensemble des coûts qu'elle supporte en vue de maintenir ou développer ses activités commerciales, alors même qu'ils revêtiraient la forme d'un avantage volontairement consenti à une personne qui n'a rendu d'autre service à l'entreprise que d'acheter les biens qu'elle produit ; que la cour a, par suite, commis une erreur de droit en jugeant que les remboursement sus-décrits ne pouvaient avoir le caractère d'une charge déductible au seul motif qu'ils constituaient une renonciation unilatérale à des recettes déjà comptabilisées ; que la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE est donc fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L. 822-1 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : 5° (…) Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements rendent probables (…) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise ne peut valablement porter en déduction et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne sont supportées qu'ultérieurement par elle, qu'à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

Considérant que la provision portée par la société requérante en déduction de ses résultats de l'exercice 1987 a été calculée à partir d'une évaluation statistique du taux d'utilisation effective des bons de réduction par les consommateurs, appliquée aux bons attachés à tous les produits déjà vendus aux distributeurs, mais non encore présentés au remboursement ; que si un bon de réduction n'est utilisable que pour l'achat d'un second produit, cette méthode de promotion favorise principalement, s'agissant d'un bien de consommation courante, l'achat du premier produit auquel le bon est attaché ; que, de ce fait, la charge potentielle impliquée par l'utilisation du bon de réduction se rattache à la vente de ce premier produit par un lien suffisamment direct pour justifier qu'elle fasse l'objet d'une provision déductible à la clôture de l'exercice au cours duquel cette vente a été enregistrée ; qu'il suit de là que la société est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de la décharger des conséquences du redressement litigieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 30 avril 2004 est annulé.

Article 2 : Le jugement du 7 juin 2000 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 3 : La SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1987.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LEVER FABERGE FRANCE et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 269997
Date de la décision : 02/06/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - PROVISIONS - CONDITIONS DE DÉDUCTIBILITÉ - RATTACHEMENT PAR UN LIEN DIRECT AUX OPÉRATIONS DE TOUTE NATURE DÉJÀ EFFECTUÉES PAR L'ENTREPRISE À LA CLÔTURE DE L'EXERCICE - CONSÉQUENCE S'AGISSANT DES PROVISIONS POUR CHARGES - COMPTABILISATION DES PRODUITS CORRESPONDANTS INTERVENUE AU TITRE DU MÊME EXERCICE [RJ1] - APPLICATION - PROVISIONS CONSTITUÉES AU TITRE DES BONS DE RÉDUCTION FIGURANT SUR LES EMBALLAGES D'UN BIEN VENDU PAR LE CONTRIBUABLE - ET PERMETTANT AUX CONSOMMATEURS D'OBTENIR ULTÉRIEUREMENT UNE RÉDUCTION SUR L'ACHAT DU MÊME BIEN - DÉDUCTIBILITÉ EN PRÉSENCE D'UN LIEN SUFFISAMMENT DIRECT ENTRE L'ACHAT DU PREMIER BIEN ET LA CHARGE POTENTIELLE IMPLIQUÉE PAR L'UTILISATION ULTÉRIEURE DU BON DE RÉDUCTION [RJ2].

19-04-02-01-04-04 Si un bon de réduction n'est utilisable que pour l'achat d'un second produit, cette méthode de promotion favorise principalement, s'agissant d'un bien de consommation courante, l'achat du premier produit auquel le bon est attaché. De ce fait, la charge potentielle impliquée par l'utilisation du bon de réduction se rattache à la vente de ce premier produit par un lien suffisamment direct pour justifier qu'elle fasse l'objet d'une provision déductible à la clôture de l'exercice au cours duquel cette vente a été enregistrée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE NET - CHARGES DIVERSES - REMBOURSEMENT DE COUPONS DE RÉDUCTION FIGURANT SUR L'EMBALLAGE DE PRODUITS - CHARGE DÉDUCTIBLE DÈS LORS QU'ELLE EST EXPOSÉE EN VUE DE MAINTENIR OU DE DÉVELOPPER LES ACTIVITÉS COMMERCIALES DU CONTRIBUABLE [RJ3].

19-04-02-01-04-09 Une entreprise est fondée à déduire l'ensemble des coûts qu'elle supporte en vue de maintenir ou développer ses activités commerciales, alors même qu'ils revêtiraient la forme d'un avantage volontairement consenti à une personne qui n'a rendu d'autre service à l'entreprise que d'acheter les biens qu'elle produit. Par suite, commet une erreur de droit la cour administrative d'appel qui juge que le remboursement de coupons de réduction ne peut avoir le caractère d'une charge déductible au seul motif qu'il constitue une renonciation unilatérale à des recettes déjà comptabilisées.


Références :

[RJ1]

Cf. Assemblée, 28 juin 1991, Ministre du budget c/ Société générale, p. 261.,,

[RJ2]

Ab. jur. 29 décembre 1997, n°172014, Société anonyme Maty, RJF 2/98 n° 139.,,

[RJ3]

Comp. Plén. 20 février 1974, p. 123.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2006, n° 269997
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Laurent Cabrera
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:269997.20060602
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