La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2006 | FRANCE | N°281976

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 10 mai 2006, 281976


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 13 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BRONZO, dont le siège est Zone industrielle Athélia, à La Ciotat (13600) ; la SOCIETE BRONZO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 juin 2005 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de la procédure de passation par la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole d'un marché relatif

la fourniture d'équipements de stockage, la collecte, le transport et le ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juin et 13 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE BRONZO, dont le siège est Zone industrielle Athélia, à La Ciotat (13600) ; la SOCIETE BRONZO demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 13 juin 2005 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la suspension de la procédure de passation par la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole d'un marché relatif à la fourniture d'équipements de stockage, la collecte, le transport et le traitement de déchets, à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres du 30 mars 2005 rejetant son offre et à ce qu'il soit enjoint à la communauté urbaine de reprendre la procédure au stade de l'examen des candidatures ;

2°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur,

- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la SOCIETE BRONZO et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif (...) peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, (...) / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte (...)./ Le président du tribunal administratif (...) statue en premier et dernier ressort en la forme des référés ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que, par des avis d'appel public à la concurrence envoyés à la publication au Journal officiel de l'Union européenne, au bulletin officiel des annonces des marchés publics et au Moniteur du bâtiment et des travaux publics le 18 février 2005, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a lancé un appel d'offres ouvert pour la passation d'un marché ayant pour objet la fourniture d'équipements de stockage pour les déchetteries communautaires de la zone Est ainsi que la collecte, le transport et le traitement des déchets ; que la SOCIETE BRONZO, admise à présenter une offre par une décision de la commission d'appel d'offres en date du 30 mars 2005, a vu son offre écartée au profit de celle de la société Queyras environnement ; que la SOCIETE BRONZO a saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la suspension de la procédure de passation de ce marché et à ce qu'il soit enjoint à la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole de reprendre cette procédure au stade de l'examen des candidatures ; que cette demande a été rejetée par une ordonnance en date du 13 juin 2005 contre laquelle la SOCIETE BRONZO se pourvoit en cassation ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE BRONZO a fait valoir, au soutien de sa requête, que la société Queyras environnement n'ayant pas présenté à l'appui de sa candidature son chiffre d'affaires global réalisé au cours des trois derniers exercices dont la production était prévue par le règlement de la consultation du marché, la commission d'appel d'offres de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole ne pouvait retenir la candidature de cette société, et par conséquent examiner son offre, sans méconnaître ses obligations de mise en concurrence ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n'a pas suffisamment motivé son ordonnance ; que, dès lors, la SOCIETE BRONZO est fondée à en demander l'annulation ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par la SOCIETE BRONZO ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;

Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article 52 du code des marchés publics : Les candidatures (..) qui ne sont pas accompagnées des pièces mentionnées aux articles 45 (...) ou qui ne présentent pas des garanties techniques et financières suffisantes ne sont pas admises ; qu'aux termes de l'article 45 de ce même code : A l'appui des candidatures, il ne peut être exigé que : / 1. Des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat (..) ; qu'aux termes du II de l'article 58 du même code : Au vu des renseignements relatifs aux candidatures, (...) la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales élimine, par décision prise avant l'ouverture de l'enveloppe contenant l'offre, les candidatures qui, en application du deuxième alinéa de l'article 52, ne peuvent être admises. ; qu'en application de l'article 1er de l'arrêté du 26 février 2004 pris en application de l'article 45, alinéa premier, du code des marchés publics : A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des capacités des candidats, l'acheteur public ne peut demander que les renseignements ou l'un des renseignements et les documents ou l'un des documents suivants : Déclaration concernant le chiffre d'affaires global et le chiffre d'affaires concernant les fournitures, services ou travaux auxquels se réfère le marché, réalisés au cours des trois derniers exercices ; (...) Présentation d'une liste des principales fournitures ou des principaux services fournis au cours des trois dernières années (...) ; Indication des titres d'études et/ou de l'expérience professionnelle du ou des responsables et des exécutants de la prestation de service envisagée ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que s'il est loisible à l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser ; que, si elle entend, au contraire, faciliter l'accès de ces entreprises au marché, la personne responsable de celui-ci peut, sur le fondement de l'article 45 du code des marchés publics et de l'arrêté précité pris pour son application, autoriser les entreprises candidates, qui ne sont pas en mesure de produire les références demandées, à justifier de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres moyens et notamment par la présentation de titres ou de l'expérience professionnelle du ou de leurs responsables ; que, dans tous les cas, dès lors que des pièces sont exigées dans le règlement de la consultation à l'appui des candidatures, conformément à l'article 45 du code des marchés publics, il résulte des articles 52 et 58 du code des marchés publics que la commission d'appel d'offres est tenue de refuser d'admettre les candidats qui ne les produisent pas ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans les documents de consultation, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole a exigé des candidats au marché la production de leur chiffre d'affaires global réalisé au cours des trois derniers exercices et de références concernant des prestations similaires, exécutées ou en cours d'exécution, datant de moins de trois ans ; que la communauté urbaine n'a pas prévu, ainsi qu'il lui était loisible de le faire, que les entreprises candidates pouvaient justifier de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres moyens ; qu'il n'est pas contesté que le dossier présenté par la société Queyras environnement à l'appui de sa candidature n'était pas accompagné des documents relatifs au chiffre d'affaires réalisé au cours des précédents exercices et aux références concernant des prestations similaires exécutées antérieurement ; que la circonstance que cette société immatriculée au registre du commerce le 1er décembre 2004 était dans l'impossibilité, à raison de sa création récente, de produire ces renseignements et pouvait se prévaloir des capacités professionnelles de ses responsables était sans incidence sur l'obligation qui incombait à la commission d'appel d'offres de la communauté urbaine de faire application du règlement de la consultation ; que, dès lors, en retenant la candidature de cette entreprise, la commission d'appel d'offres et la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole ont méconnu le règlement de la consultation et les obligations de mise en concurrence auxquelles était soumise la passation du marché ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE BRONZO est fondée à demander l'annulation de la procédure de passation du marché de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole relatif à la fourniture d'équipements de stockage, la collecte, le transport et le traitement de déchets à compter du stade de l'examen des candidatures par la commission d'appel d'offres ; que, si la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole entend passer un tel marché, il lui est loisible de décider de reprendre intégralement la procédure de passation ou de ne reprendre cette procédure qu'au stade de l'examen des candidatures par la commission d'appel d'offres ; que, par suite, les conclusions de la société BRONZO tendant à ce qu'il soit enjoint à la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole de reprendre la procédure de passation du marché litigieux au stade de l'examen des candidatures par la commission d'appel d'offres ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE BRONZO et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE BRONZO, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole demande au titre des mêmes frais ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 13 juin 2005 est annulée.

Article 2 : Les actes relatifs à la procédure de passation du marché relatif à la fourniture d'équipements de stockage, la collecte, le transport et le traitement de déchets intervenus à compter de l'examen des candidatures par la commission d'appel d'offres de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole sont annulés.

Article 3 : La communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole versera à la SOCIETE BRONZO une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de la SOCIETE BRONZO et celles de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BRONZO, à la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole et à la société Queyras environnement.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 281976
Date de la décision : 10/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-005 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. FORMATION DES CONTRATS ET MARCHÉS. FORMALITÉS DE PUBLICITÉ ET DE MISE EN CONCURRENCE. - ACCÈS AUX MARCHÉS PUBLICS DES ENTREPRISES DE CRÉATION RÉCENTE - A) OBLIGATIONS INCOMBANT AU MAÎTRE DE L'OUVRAGE - B) JUSTIFICATION DES CAPACITÉS FINANCIÈRES ET PROFESSIONNELLES - MODALITÉS - C) ABSENCE D'INDICATIONS PARTICULIÈRES SUR LES MODALITÉS DE CANDIDATURE DES ENTREPRISES DE CRÉATION RÉCENTE DANS LE RÈGLEMENT DE CONSULTATION - OBLIGATION POUR LA COMMISSION D'APPEL D'OFFRES D'ÉCARTER LES CANDIDATURES NON ACCOMPAGNÉES DES PIÈCES REQUISES PAR LE RÈGLEMENT.

39-02-005 a) S'il est loisible à l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, de documents comptables et de références de nature à attester de leurs capacités, cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises de création récente, doit être objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser,,b) Lorsque l'acheteur entend, au contraire, faciliter l'accès de ces entreprises au marché, la personne responsable de celui-ci peut, sur le fondement de l'article 45 du code des marchés publics et de l'arrêté du 26 février 2004 pris pour son application, autoriser les entreprises candidates, qui ne sont pas en mesure de produire les références demandées, à justifier de leurs capacités financières et professionnelles par d'autres moyens et notamment par la présentation de titres ou de l'expérience professionnelle du ou de leurs responsables.,,c) Dans tous les cas, dès lors que des pièces sont exigées dans le règlement de la consultation à l'appui des candidatures, conformément à l'article 45 du code des marchés publics, il résulte des articles 52 et 58 du code des marchés publics que la commission d'appel d'offres est tenue de refuser d'admettre les candidats qui ne les produisent pas. En conséquence, si l'acheteur public ne prévoit pas, ainsi qu'il lui est loisible de le faire, des moyens pour les entreprises de création récente de justifier de leurs capacités financières et professionnelles, ces dernières entrent dans le lot commun du règlement de consultation et voient donc leur candidature écartée pour défaut de production des pièces demandées, comme celle exigeant d'attester du chiffre d'affaires au cours des trois années écoulées avant la passation du marché.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 2006, n° 281976
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Sibyle Petitjean
Rapporteur public ?: M. Casas
Avocat(s) : SCP VIER, BARTHELEMY, MATUCHANSKY ; SCP COUTARD, MAYER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:281976.20060510
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award