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03/05/2006 | FRANCE | N°261956

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 03 mai 2006, 261956


Vu 1°), sous le n° 261956, le recours, enregistré le 20 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 01MA01905 du 20 mai 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille 1°) a condamné, d'une part, l'Etat à verser à M. A une indemnité de 10 546,44 euros en réparation des préjudices subis par l'intéressé à la suite de l'inondation provoquée dans la nuit du 30 septembre au 1er octo

bre 1993 par la crue du Lez, et, d'autre part, la COMMUNE DE BOLLE...

Vu 1°), sous le n° 261956, le recours, enregistré le 20 novembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 01MA01905 du 20 mai 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille 1°) a condamné, d'une part, l'Etat à verser à M. A une indemnité de 10 546,44 euros en réparation des préjudices subis par l'intéressé à la suite de l'inondation provoquée dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1993 par la crue du Lez, et, d'autre part, la COMMUNE DE BOLLENE à verser à M. A une indemnité de 12 304,16 euros au titre des mêmes préjudices, dont 1 757,74 euros conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE 2°) a décidé que ces sommes seraient assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1997 et de leur capitalisation à compter du 22 août 2001 ;

Vu 2°), sous le n° 262041 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 novembre 2003 et 25 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE BOLLENE, représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité à l'hôtel de ville, Bollène (84500) et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, dont le siège est domicilié à l'hôtel de ville, Lapalud (84840) tendant aux mêmes conclusions que celles présentées sous le n° 261956 par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE contre l'arrêt n° 01MA01905 de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 mai 2003 rendu au profit de M. A et à ce que soit mise à la charge de M. A la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Sibyle Petitjean, Auditeur

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la Société des Autoroutes du Sud de la France,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des orages violents, survenus dans la nuit du 30 septembre au 1er octobre 1993, ont provoqué une forte crue des eaux du Lez, affluent du Rhône ; que par arrêté interministériel du 11 octobre 1993, l'état de catastrophe naturelle a été constaté à Bollène (Vaucluse) pour les dommages dus aux inondations et aux coulées de boue ; qu'à la demande de l'Association de défense des sinistrés de Bollène et de M. B, le tribunal administratif de Marseille a nommé un expert, lequel a déposé son rapport au tribunal le 2 août 1996 ; que par des jugements en date du 15 mai 2001, le tribunal a rejeté les demandes présentées par M. A et par cinquante quatre autres victimes du sinistre tendant à la réparation de leur préjudice ; que, par un arrêt du 20 mai 2003, la cour administrative d'appel de Marseille, saisie par M. A, a, d'une part, condamné l'Etat à réparer les dommages subis par l'intéressé à hauteur de 30 % à raison de la carence dont il a fait preuve dans l'usage de ses pouvoirs de police et, d'autre part, condamné la COMMUNE DE BOLLENE à réparer les mêmes dommages à hauteur de 35 %, dont 5 % conjointement et solidairement avec le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, sur le fondement de la responsabilité sans faute des personnes publiques pour les dommages causés aux tiers par un ouvrage public ;

En ce qui concerne la force majeure :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à plusieurs reprises au cours du siècle dernier, à la suite de précipitations abondantes, le Lez est sorti de son lit et a inondé les terrains alentour ; qu'ainsi, en jugeant que si, de par leur volume, les précipitations à l'origine de l'inondation constatée avaient un caractère exceptionnel, elles ne pouvaient être regardées comme un phénomène imprévisible constituant un événement de force majeure, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas donné aux circonstances à l'origine du sinistre une qualification juridique erronée ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE pour les dommages causés aux tiers par des ouvrages publics :

Considérant qu'après avoir souverainement estimé que la crue du Lez de 1993 n'avait pas constitué un phénomène imprévisible, pour juger qu'elle ne pouvait, dès lors, être qualifiée d'événement de force majeure, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en n'ayant pas déduit de cette appréciation que le risque d'inondation était suffisamment prévisible dans la COMMUNE DE BOLLENE pour devoir être regardé comme ayant été accepté en connaissance de cause par les riverains sinistrés ; que, par suite, la cour n'a pas méconnu les règles qui régissent la responsabilité des personnes publiques en ne décidant pas que le préjudice résultait d'une situation à laquelle les riverains se seraient sciemment exposés et ne leur ouvrait, par conséquent, pas droit à réparation ;

Considérant, que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement ; que, dès lors, en jugeant qu'il résultait de l'instruction que les conséquences dommageables des inondations survenues ont été aggravées par l'état de divers ouvrages publics, notamment les buses situées au droit du pont des pompiers, le mur de protection sur la rive gauche, le mur de protection longeant le camping municipal au droit de la dernière parcelle riveraine et le système d'évacuation des eaux, pour en déduire que les propriétaires riverains ayant la qualité de tiers par rapport à ces ouvrages, la responsabilité de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE se trouvait, par conséquent, engagée même sans faute, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la cour n'a pas tenu compte de l'inexécution d'un travail public ou d'un ouvrage public pour retenir leur responsabilité ;

Considérant que les tiers peuvent rechercher, pour obtenir la réparation des dommages imputables à un ouvrage public qu'ils ont subis, la responsabilité non seulement du maître de l'ouvrage mais également de la collectivité publique qui assure l'entretien de cet ouvrage ; que par suite la COMMUNE DE BOLLENE ne saurait utilement faire valoir qu'elle n'a pas la qualité de propriétaire des buses situées au droit du pont des pompiers pour soutenir que la cour administrative d'appel, qui a souverainement apprécié au vu des pièces du dossier qu'elle était responsable de l'entretien du pont, a commis une erreur de droit en la regardant dès lors comme responsable envers les tiers des dommages causés par ces buses ;

Considérant que c'est au terme d'une appréciation souveraine, qui n'est pas entachée de dénaturation, que la cour administrative d'appel, en se fondant sur les constatations du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, a estimé que le mauvais aménagement des épis transversaux installés dans le lit de la rivière et la présence d'un boulodrome ont constitué des obstacles à l'écoulement des eaux, contribuant, avec le fonctionnement défectueux des buses, au gonflement des eaux du Lez ; qu'en déduisant de cette appréciation que l'inondation des propriétés des riverains trouve sa cause directe dans ces divers ouvrages publics, alors même que ces propriétés en seraient éloignées, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;

Considérant que les pièces du dossier qui était soumis aux juges du fond et notamment les mémoires présentés devant la cour administrative d'appel par M. A indiquaient que la propriété de ce dernier était située sur la rive gauche dans la partie basse de la commune ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement faire valoir, pour la première fois devant le juge de cassation, que la propriété de M. A se situe sur la rive droite du Lez pour soutenir que la cour administrative d'appel a, dès lors, entaché son arrêt d'une dénaturation des pièces du dossier et d'une qualification juridique des faits erronée en estimant que l'insuffisance du mur de protection situé sur la rive gauche, en aggravant les conséquences de l'inondation de cette rive, a contribué aux dommages subis par la propriété de M. A ;

En ce qui concerne l'étendue du préjudice de M. A :

Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en ayant jugé que la crue du Lez de 1993 n'avait pas le caractère imprévisible d'un événement de force majeure, sans en déduire que le risque d'inondation était dès lors suffisamment prévisible pour se traduire, en dehors même de la réalisation de ce risque, par une diminution de la valeur marchande des biens qui y étaient exposés ; que, par suite, la cour a pu juger, sans donner aux faits une qualification juridique erronée, que la moins-value immobilière subie par la propriété de M. A à l'occasion de la crue de 1993 avait été causée par ce sinistre ;

Considérant que pour fixer le montant de l'indemnisation à la charge de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, la cour administrative d'appel de Marseille a appliqué le taux de partage de responsabilité, fixé par ailleurs, au montant du préjudice matériel effectivement subi par l'intéressé et qu'elle a évalué à 35 154,74 euros, compte tenu d'une note d'honoraires de 1 000 francs (152,45 euros) et d'une expertise immobilière concluant à une moins-value du bien de M. A à hauteur de 229 600 francs (35 002,29 euros) ; que la cour n'ayant pas porté d'appréciation sur l'étendue des dommages matériels indemnisés à M. A par sa compagnie d'assurance, la COMMUNE DE BOLLENE et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE ne peuvent utilement soutenir que l'appréciation portée par la cour sur l'indemnisation versée par son assureur serait entachée d'une dénaturation des pièces du dossier ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la COMMUNE DE BOLLENE et le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de la COMMUNE DE BOLLENE et du SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE et le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BOLLENE, au SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L'AMENAGEMENT ET L'ENTRETIEN DU RESEAU HYDRAULIQUE DU NORD VAUCLUSE, au MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, à la compagnie nationale du Rhône, à la Société des Autoroutes du Sud de la France et à M. Raymond A.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 mai. 2006, n° 261956
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: Mlle Sibyle Petitjean
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Date de la décision : 03/05/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 261956
Numéro NOR : CETATEXT000008252322 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-05-03;261956 ?
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