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05/04/2006 | FRANCE | N°264269

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 05 avril 2006, 264269


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 4 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Olivier A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande de la commune de Dinard, annulé le jugement du 9 novembre 2003 du tribunal administratif de Rennes lequel a annulé l'opposition du 30 avril 1992, du maire de Dinard, aux travaux déclarés par M. A visant à modifier l'aspect extérieur d'une maison

située 20, boulevard de la mer à Dinard ;

2°) de déclarer l'appel d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 4 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Olivier A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 novembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande de la commune de Dinard, annulé le jugement du 9 novembre 2003 du tribunal administratif de Rennes lequel a annulé l'opposition du 30 avril 1992, du maire de Dinard, aux travaux déclarés par M. A visant à modifier l'aspect extérieur d'une maison située 20, boulevard de la mer à Dinard ;

2°) de déclarer l'appel de la commune de Dinard irrecevable ;

3°) de rejeter sa demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes ;

4°) de condamner la commune de Dinard à verser à M. A la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Balat, avocat de M. A et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Dinard,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant que pour régulariser les travaux entrepris afin de rehausser la toiture de la maison dont il est propriétaire à Dinard, M. A a adressé au maire de la commune, qui l'a reçue le 10 février 1992, une déclaration de travaux ; que le 30 avril suivant, le maire a, par arrêté, indiqué s'opposer aux travaux de l'intéressé ; que ce dernier a déféré cette décision au tribunal administratif de Rennes, lequel après avoir ordonné une visite des lieux, l'a annulée, par jugement du 9 novembre 1999 ; que, sur appel de la commune, la cour administrative d'appel de Nantes a, par arrêt du 20 novembre 2003, contre lequel, M. A se pourvoit en cassation, annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif, au motif que les constatations de fait opérées par le juge répressif, en particulier la circonstance que les travaux en cause avaient créé une surface hors oeuvre brute d'une superficie supérieure à 20 m2, étaient revêtues de l'autorité de la chose jugée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur : En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme ou d'une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à la réformation d'une décision juridictionnelle concernant un document d'urbanisme ou une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peine d'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas du rejet du recours administratif./ La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours ; qu'aux termes de l'article R. 600-2 alors en vigueur, du même code : La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation, est réputée être accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux. ;

Considérant qu'en application de ces dispositions, il appartient à l'auteur d'un recours contre une décision juridictionnelle concernant une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol au sens de l'article L. 600-3 de ce code d'adresser au greffe de la juridiction où le recours contentieux a été enregistré une copie du certificat de dépôt de la lettre recommandée adressée à l'auteur de la décision contestée et au titulaire de l'autorisation ; qu'il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités requises par l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme par la production de ces documents ou de documents représentant des garanties équivalentes à celles exigées par l'article R. 600-2 précité ;

Considérant d'une part, qu'en application de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme, une décision tacite de non-opposition aux travaux est acquise par l'auteur d'une déclaration, lorsque l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois suivant la réception de la déclaration en mairie, manifesté son opposition par une décision dûment motivée ; qu'une telle décision est une décision d'occupation ou d'utilisation du sol au sens des dispositions de l'article L. 600-3 précité ;

Considérant d'autre part, que la commune de Dinard, par requête enregistrée le 29 décembre 1999 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, a interjeté appel du jugement du 9 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, à la demande de M. A, annulé l'opposition du maire de Dinard en date du 30 avril 1992 aux travaux déclarés par l'intéressé visant à modifier l'aspect extérieur d'une maison située à Dinard ; qu'à l'issue de ce jugement, M. A s'est trouvé être bénéficiaire d'une décision tacite de non ;opposition à travaux ; qu'ainsi, la requête d'appel de la commune de Dinard tendait à l'annulation d'une décision relative à l'utilisation du sol entrant dans le champ des dispositions précitées de l'article L. 600-3 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'il ne ressort ni des pièces du dossier soumis aux juges de fond ni des termes de l'arrêt de la cour administrative d'appel que le juge d'appel se soit assuré du respect par la commune de Dinard de la formalité prévue par cet article ; que son arrêt est, par suite, entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. A ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-1, 2ème alinéa, du code de l'urbanisme : Sous réserve des articles L. 422-1 à L. 422-5, (le permis de construire) est exigé pour les travaux exécutés sur les constructions existantes, lorsqu'ils ont pour effet d'en changer la destination, de modifier leur aspect extérieur ou leur volume, ou de créer des niveaux supplémentaires ; que l'article L. 422-1 dispose en son deuxième alinéa que sont exemptés du permis de construire (…) les constructions ou travaux dont la faible importance ne justifie pas l'exigence d'un permis de construire et que l'article R. 422-2 du même code, pris pour l'application de l'article précité, exempte du permis de construire les constructions ou travaux n'ayant pas pour effet de changer la destination d'une construction existante et (…) qui ont pour effet de créer, sur un terrain supportant déjà un bâtiment, une surface de plancher hors oeuvre brute inférieur ou égale à 20 m2 ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que les constructions et travaux réalisés sur un terrain supportant un bâtiment existant et créant une surface hors oeuvre brute inférieure à 20 m2, même s'ils entraînent une modification d'aspect extérieur ou de volume ou la création d'un niveau supplémentaire affectant le bâtiment existant, relèvent de la procédure de la déclaration de travaux régie par l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme et non de celle du permis de construire ;

Considérant qu'il est constant que la déclaration de travaux de M. A, à laquelle s'est opposé le maire de Dinard par un arrêté en date du 30 avril 1992, portait sur la substitution de la toiture en zinc formant terrasse de la maison d'habitation qu'il occupe par une toiture en ardoise à double pente ; que les travaux décrits dans cette déclaration, s'ils ne mentionnaient pas l'aménagement des combles destiné à les rendre habitables, n'avaient pas pour effet de créer une surface hors oeuvre brute supérieure à 20 m2 ; que le juge administratif ne saurait être lié sur ce point par les qualifications opérées en l'espèce par le juge pénal, qui s'est prononcé en tout état de cause postérieurement à la décision du 30 avril 1992 sur les travaux effectivement réalisés ; que, par suite, et alors même que le changement de toiture modifiait l'aspect extérieur de l'immeuble, les travaux déclarés par M. A n'étaient pas au nombre de ceux assujettis à un permis de construire ; qu'il en résulte que la commune ne peut utilement soutenir que le maire avait compétence liée pour s'opposer à la déclaration de travaux, au motif que le projet ne pouvait être réalisé sans permis de construire ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ; que si le maire de Dinard peut légalement appliquer ces dispositions aux déclarations de travaux exemptés de permis de construire, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des constatations opérées par le premier juge lors de la visite des lieux qu'il a ordonnée avant de se prononcer, que les travaux déclarés par M. A portaient atteinte au caractère des lieux avoisinants, alors que la procédure de classement de ceux-ci en zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager était, lors de la décision d'opposition en litige, en cours d'élaboration ; que la commune de Dinard n'est ainsi pas fondée à soutenir que l'article R. 111 ;21 du code de l'urbanisme était de nature à justifier légalement la décision du 30 avril 1992 ;

Considérant enfin que si la commune de Dinard soutient que M. A ne bénéficiait d'aucune autorisation tacite pour exécuter les travaux, ce moyen manque en fait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Dinard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 30 avril 1992 par lequel le maire s'est opposé aux travaux déclarés par M. A ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la commune de Dinard ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de Dinard la somme de 4 500 euros au titre des frais exposés devant le Conseil d'Etat et la cour administrative d'appel de Nantes par M. A et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 20 novembre 2003 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Dinard devant la cour administrative d'appel de Nantes et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La commune de Dinard versera à M. A une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Olivier A et à la commune de Dinard.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264269
Date de la décision : 05/04/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - OBLIGATION DE NOTIFICATION D'UN RECOURS DIRIGÉ CONTRE UN DOCUMENT D'URBANISME OU UNE DÉCISION RELATIVE À L'OCCUPATION OU À L'UTILISATION DU SOL (ART - L - 600-3 - DEVENU R - 600-1 - DU CODE DE L'URBANISME) - APPLICABILITÉ - EXISTENCE - RECOURS DIRIGÉ CONTRE UN JUGEMENT ANNULANT UNE OPPOSITION À DÉCLARATION DE TRAVAUX À L'ISSUE DUQUEL L'AUTEUR DE LA DÉCLARATION SE TROUVE BÉNÉFICIAIRE D'UNE DÉCISION TACITE DE NON-OPPOSITION À TRAVAUX [RJ1].

54-01 Lorsque, à l'issue d'un jugement annulant une opposition à déclaration de travaux, l'auteur d'une déclaration de travaux se trouve bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition à travaux, la requête dirigée contre le jugement tend à l'annulation d'une décision relative à l'occupation des sols entrant dans le champ de l'article L. 600-3, devenu R. 600-1 du code de l'urbanisme, et doit donc respecter l'obligation de notification prévue par cet article.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - OBLIGATION DE NOTIFICATION DU RECOURS - OBLIGATION DE NOTIFICATION D'UN RECOURS DIRIGÉ CONTRE UN DOCUMENT D'URBANISME OU UNE DÉCISION RELATIVE À L'OCCUPATION OU À L'UTILISATION DU SOL (ART - L - 600-3 - DEVENU R - 600-1 - DU CODE DE L'URBANISME) - APPLICABILITÉ - EXISTENCE - RECOURS DIRIGÉ CONTRE UN JUGEMENT ANNULANT UNE OPPOSITION À DÉCLARATION DE TRAVAUX À L'ISSUE DUQUEL L'AUTEUR DE LA DÉCLARATION SE TROUVE BÉNÉFICIAIRE D'UNE DÉCISION TACITE DE NON-OPPOSITION À TRAVAUX [RJ1].

68-06-01-04 Lorsque, à l'issue d'un jugement annulant une opposition à déclaration de travaux, l'auteur d'une déclaration de travaux se trouve bénéficiaire d'une décision tacite de non-opposition à travaux, la requête dirigée contre le jugement tend à l'annulation d'une décision relative à l'occupation des sols entrant dans le champ de l'article L. 600-3, devenu R. 600-1 du code de l'urbanisme, et doit donc respecter l'obligation de notification prévue par cet article.


Références :

[RJ1]

Rappr. 19 avril 2000, Commune de Breuil-Bois-Robert, p. 158.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 avr. 2006, n° 264269
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Francis Girault
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : BALAT ; SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:264269.20060405
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