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27/02/2006 | FRANCE | N°267965

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 27 février 2006, 267965


Vu l'ordonnance, en date du 11 mai 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 mai 2005, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 avril 2004, présentée par la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX, dont le siège est 24, rue Berlioz à Paris (75116) tendant :

1°) à l'annula

tion pour excès de pouvoir du décret du 30 mai 2003 en tant qu'il ne l'a...

Vu l'ordonnance, en date du 11 mai 2004, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 mai 2005, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX ;

Vu la demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 avril 2004, présentée par la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX, dont le siège est 24, rue Berlioz à Paris (75116) tendant :

1°) à l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 mai 2003 en tant qu'il ne l'a pas autorisée à bénéficier du legs que lui avait consenti Mlle Micheline A par testament olographe, ensemble la décision de rejet opposée le 16 février 2004 par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, à son recours gracieux formé contre ce décret ;

2°) à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales de lui accorder l'autorisation de bénéficier du legs de Mme A dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu la loi du 4 février 1901 modifiée sur la tutelle administrative en matière de dons et legs, et notamment ses articles 7 et 8 ;

Vu la loi du 1er juillet 1901 modifiée relative au contrat d'association ;

Vu le décret n°66-388 du 13 juin 1966 modifié relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le décret attaqué du 30 mai 2003, le Premier ministre a autorisé l'association Aide à l'église en détresse à bénéficier du legs universel consenti à son profit par Mme A, décédée le 12 mars 1995, ainsi que les associations secours catholique et oeuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs à accepter les legs particuliers que leur avait accordés Mme A dans son testament olographe du 15 avril 1989 ; que la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX demande l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant qu'il ne l'autorise pas à accepter le legs particulier consenti par Mme A, ensemble la décision de refus de rapporter ce décret qui lui a été opposée le 16 février 2004 ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du décret du 30 mai 2003 en tant qu'il n'a pas autorisé la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX à accepter le legs consenti par Mme A :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 910 du code civil, de l'article 7 de la loi du 4 février 1901 et de l'article 11 de la loi du 1er juillet 1901 que les établissements reconnus d'utilité publique peuvent recevoir des dons et legs sous réserve d'une autorisation qui, en cas de réclamation des familles, doit être donnée par décret en Conseil d'Etat ; que ces dispositions donnent à l'autorité de tutelle le pouvoir d'apprécier, en fonction de l'intérêt général et des intérêts respectifs des familles et des établissements gratifiés, s'il y a lieu d'accorder ou de refuser à ces derniers l'autorisation d'accepter les libéralités qui leur sont faites ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A a légué à la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX le quart des sommes déposées sur ses comptes en banques et comptes titres en dépôt, pour un total de 68 602 euros ; qu'interrogée sur le secours financier qu'elle entendait allouer aux trois héritiers de Mme A en situation de précarité financière, la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX, aux termes de la délibération de son conseil d'administration du 7 décembre 2000, a indiqué consentir à leur verser un montant global de 25 000 francs nets de frais et droits à répartir entre les trois nièces et neveux de Mlle A ; qu'ainsi la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait en réalité entendu verser une somme de 25 000 francs à chacun des héritiers placés en situation de précarité financière et que l'administration aurait interprété de façon erronée ses intentions et par suite entaché sa décision d'une erreur de fait ;

Considérant, d'une part, que s'il appartient à l'administration de tenir compte, dans le cadre de l'examen de la demande d'autorisation de perception des libéralités formulée par un établissement reconnu d'utilité publique, des engagements unilatéraux que l'établissement gratifié a librement souscrit en faveur d'un ou plusieurs héritiers naturels placés en situation de précarité financière, l'autorité de tutelle est, en revanche, incompétente pour désigner, le cas échéant, les bénéficiaires du legs dont la perception n'aurait pas été autorisée ; qu'elle ne saurait davantage légalement assortir l'autorisation d'accepter un legs d'une condition imposant à l'établissement gratifié l'obligation de verser aux héritiers naturels ou à certains d'entre eux des sommes devant être prélevées sur le montant des libéralités ; que, d'autre part, il ne résulte pas des textes relatifs à la tutelle administrative en matière de dons et legs, éclairés par les travaux préparatoires de la loi du 4 février 1901, que serait de nature à faire obstacle à l'exercice du pouvoir dont dispose l'administration d'accorder l'autorisation sollicitée, la circonstance que le refus d'autoriser la perception du legs, fondé sur la précarité financière d'un ou plusieurs des héritiers du testateur ayant formé une réclamation, n'aurait pas pour conséquence de permettre à ces derniers d'accroître leur part dans l'actif successoral et de bénéficier du secours estimé légitime par l'autorité de tutelle, dès lors, notamment, qu'ils ne seraient pas héritiers réservataires ; qu'ainsi, eu égard à la nature de la tutelle administrative sur les dons et legs et des pouvoirs dont disposait l'administration, la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX n'est pas fondée à soutenir que le Premier ministre aurait commis une erreur de droit en refusant de lui accorder l'autorisation de percevoir le legs dont elle avait été gratifiée ; qu'en choisissant de refuser d'autoriser l'association requérante à percevoir l'intégralité du legs plutôt que de se borner à refuser l'acceptation à hauteur du secours jugé suffisant, le Premier ministre n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant que l'existence d'un legs ne crée pas de droit à l'autorisation de le recevoir ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du Premier ministre de ne pas

autoriser la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX à accepter le legs dont elle avait été gratifiée par Mme A méconnaîtrait la volonté de cette dernière est inopérant ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 16 février 2004 refusant de rapporter le décret du 30 mai 2003 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 29 janvier 2004, publié au Journal officiel de la République française le 30 janvier 2004, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a donné délégation permanente à M. Henri-Michel Comet, directeur de la modernisation et de l'action territoriale, pour signer, dans la limite de ses attributions, tous actes, arrêtés, décisions et pièces comptables à l'exclusion des décrets et en cas d'absence ou d'empêchement de M. Henri-Michel Comet, à M. Yannick Blanc, chef de service et MM. Denis Robin et Michel Aubouin, sous-directeurs ; qu'ainsi M. Yannick Blanc, chef de service chargé de la sous-direction des affaires politiques et de la vie associative était titulaire, à la date de la décision attaquée, d'une délégation de signature ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant que le legs ayant fait l'objet d'un refus d'autorisation d'acceptation retombe libre de toute affectation dans la succession et doit être dévolu aux ayants-droit suivants les règles légales de dévolution successorale, combinées avec la volonté du testateur ; que le refus d'autoriser la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX à accepter le legs particulier dont elle avait été gratifiée a ainsi eu pour conséquence d'augmenter la part de l'actif successoral dévolu à l'association Aide à l'église en détresse, instituée légataire universelle de Mme A par testament olographe du 15 avril 1989 et doit ainsi être regardée, contrairement à ce que soutient l'association requérante, comme une décision créatrice de droits à l'égard de cette dernière ;

Considérant que l'administration ne pouvait rapporter sa décision en tant qu'elle n'autorise pas la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX à percevoir le legs dont elle avait été gratifiée sans porter atteinte aux droits acquis du fait de ce refus par le légataire universel ; que, par suite, le retrait de cette décision ne pouvait intervenir, dans le cadre du recours gracieux dont elle était saisie, que dans un délai de quatre mois et à la condition qu'elle eût été entachée d'une illégalité de nature à en entraîner l'annulation pour excès de pouvoir ; que LA FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX n'avançait à l'appui de sa demande de retrait aucun moyen de nature à remettre en cause la légalité du décret du 30 mai 2003 en tant qu'il ne l'autorisait pas à percevoir le legs ; qu'ainsi l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales aurait commis une erreur de droit en refusant de rapporter le décret du 30 mai 2003 au motif qu'une telle décision serait contraire aux exigences de la sécurité juridique, nonobstant la circonstance que le recours gracieux aurait été formé dans un délai suffisant pour permettre à l'administration de retirer une décision individuelle explicite créatrice de droits et que le notaire de la succession de Mme A aurait été invité à prendre toutes mesures conservatoires utiles permettant que soient préservés les droits de l'association requérante ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX doit être rejetée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX dirigées contre le décret du 30 mai 2003 et la décision du 16 février 2004, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX tendant à ce que le Conseil d'Etat enjoigne, sous astreinte, au Premier ministre de l'autoriser à percevoir le legs particulier que lui a accordé Mme A ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions de la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX demande au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1 : La requête de la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la FONDATION ASSISTANCE AUX ANIMAUX, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 267965
Date de la décision : 27/02/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 fév. 2006, n° 267965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: Mme Laurence Marion
Rapporteur public ?: Mme Mitjavile

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:267965.20060227
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