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20/02/2006 | FRANCE | N°289823

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 20 février 2006, 289823


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Rina A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de la décision en date du 16 octobre 2005 par laquelle l'ambassadeur de France à Dacca (Bangladesh) lui a refusé un visa d'entrée en France en qualité de conjoint de réfugié ;

2°) d'enjoindre aux services consulaires de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de hu

it jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décisio...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Rina A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de la décision en date du 16 octobre 2005 par laquelle l'ambassadeur de France à Dacca (Bangladesh) lui a refusé un visa d'entrée en France en qualité de conjoint de réfugié ;

2°) d'enjoindre aux services consulaires de lui délivrer le visa sollicité dans un délai de huit jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'urgence est établie car elle est séparée de son mari, M. Halim B, depuis cinq ans ; que la décision contestée a été prise par une autorité incompétente, le consul adjoint de France à Dacca ne justifiant pas d'une délégation de signature publiée ; que cette décision est insuffisamment motivée faute d'indiquer en quoi les documents produits ne seraient pas authentiques ; que son mari a la qualité de réfugié ; qu'un visa devait en conséquence lui être délivré pour respecter le principe de l'unité familiale ; qu'en refusant le visa sollicité au motif que les documents produits ne seraient pas authentiques, sans en apporter la preuve, l'autorité consulaire a commis une erreur manifeste d'appréciation et a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête présentée à l'encontre cette décision devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2006, présenté par le ministre des affaires étrangères ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint de délivrer des visas excèdent les pouvoirs du juge des référés et sont par suite irrecevables ; que le signataire de la décision contestée bénéficiait d'une délégation de signature publiée ; que cette décision est suffisamment motivée ; qu'il est apparu, à l'issue de la vérification opérée par les agents consulaires, que les actes de naissance et de mariage produits sont de faux actes d'état civil ; que, par conséquent, les liens de mariage n'étant pas établis, ni le principe d'unité familiale ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent être utilement invoqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme Rina A et d'autre part, le ministre des affaires étrangères ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 17 février 2006 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Parmentier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la requérante ;

- les représentants du ministre des affaires étrangères ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation (…), le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que M. Halim B, ressortissant du Bangladesh, a obtenu le 2 juillet 2002 de la Commission des recours des réfugiés la reconnaissance de sa qualité de réfugié ; qu'il a demandé que son droit au séjour soit étendu, sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , à son épouse, Mme Rina A ; que la demande de visa présentée par Mme Rina A a été rejetée le 16 octobre 2005 par le consul adjoint de France à Dacca en raison du défaut d'authenticité des documents produits ; que Mme Rina A, qui a saisi la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France instituée par le décret du 10 novembre 2000, demande la suspension de cette décision ;

Considérant que si, lorsque l'urgence le justifie, la décision de refus de visa prise par l'autorité diplomatique ou consulaire peut, une fois opérée la saisine de la Commission instaurée par le décret du 10 novembre 2000, faire l'objet d'une demande de suspension en référé, la faculté ainsi ouverte ne peut cependant conduire à ce qu'il soit fait droit à une telle demande au seul vu de moyens tirés de l'incompétence de l'autorité diplomatique ou consulaire ou de l'insuffisance de motivation de sa décision ; qu'en effet, la décision de la Commission devant se substituer à celle de l'autorité diplomatique ou consulaire, ces moyens de légalité externe relatifs à la première décision ne peuvent en tout état de cause être propres à conduire à l'annulation du refus de visa ;

Considérant qu'en l'état de l'instruction, il subsiste des doutes quant à l'authenticité des documents produits à l'appui de la demande de visa ; qu'en effet les autorités du Bangladesh ont indiqué aux services français que les actes de naissance de Mme A et de l'un de ses enfants seraient de faux actes d'état civil ; que l'acte de mariage produit par Mme Rina A ne comporte pas les numéros de série et de volume attestant de son enregistrement par les autorités civiles du Bangladesh ; que l'extrait de cet acte n'est pas authentifié par la signature d'un officier d'état civil et comporte, à l'inverse, la signature des époux et des témoins, qui ne devraient pas normalement figurer sur un simple extrait ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'autorité consulaire aurait opposé à tort l'absence d'authenticité de ces actes ne peut être regardé comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité des refus de visa ; qu'est sans incidence à cet égard la circonstance que le certificat de naissance délivré à M. Halim B par l'office français de protection des réfugiés et apatrides mentionne son mariage, l'office n'ayant authentifié aucun des documents de naissance ou de mariage concernant l'épouse ou les enfants de l'intéressé ;

Considérant qu'en l'état du dossier et eu égard aux doutes persistant sur les liens de mariage, les moyens tirés de la méconnaissance tant du principe d'unité familiale que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité du refus de visa ; qu'il appartient à la requérante, si, ainsi que ses représentants l'ont indiqué à l'audience publique, elle estime en avoir la possibilité, de produire des documents de nature à lever les doutes qui existent sur l'authenticité des pièces dont elle s'est prévalue et d'en faire état devant l'autorité administrative comme devant la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que, le cas échéant, une nouvelle instance de référé peut être introduite sur le fondement d' éléments nouveaux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins de suspension et d'injonction présentées par Mme Rina A, ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de Mme Rina A est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Rina A et au ministre des affaires étrangères.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 289823
Date de la décision : 20/02/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 fév. 2006, n° 289823
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:289823.20060220
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