La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2006 | FRANCE | N°275018

France | France, Conseil d'État, 8eme sous-section jugeant seule, 25 janvier 2006, 275018


Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; LE PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 septembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Amani Elisabeth Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européen

ne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 4...

Vu la requête, enregistrée le 8 décembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; LE PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 9 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 24 septembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Amani Elisabeth Y ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France alors en vigueur ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, Auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de la notification du refus ou du retrait (…) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y, de nationalité ivoirienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 juillet 2004, de la décision, intervenue le 28 juin 2004, du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application des dispositions du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le PREFET DE POLICE peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, si Mme Y fait valoir que, désormais veuve et prise en charge par trois de ses enfants, de nationalité française et résidant en France, elle a désormais toutes ses attaches familiales dans ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard à la brève durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, qui, âgée de 50 ans à la date de la mesure attaquée, est restée de longues années éloignée de ses enfants, ainsi qu'aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE ait porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé pour l'annuler sur la méconnaissance par l'arrêté du 24 septembre 2004 des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme Y devant le tribunal administratif de Paris et devant le Conseil d'Etat ;

Sur l'exception d'illégalité du refus de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire ;

Considérant, en premier lieu, que, si l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées aux articles 12 bis et 15 de cette ordonnance, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Y appartienne à l'une de ces catégories ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du PREFET DE POLICE aurait été prise à la suite d'une procédure irrégulière doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme Y aurait des liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; qu'ainsi le PREFET DE POLICE, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que sa décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Considérant, en troisième lieu, que, s'il n'est pas contesté que l'état de santé de Mme Y nécessite un suivi médical dont le défaut pourrait emporter pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment du certificat médical établi par le médecin-chef du service médical de la préfecture de police, qu'un tel suivi ne puisse être effectué de façon appropriée en Côte d'Ivoire ; qu'ainsi, le PREFET DE POLICE, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y n'est pas fondée à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité du refus de séjour qui lui a été opposé par le PREFET DE POLICE, en date du 28 juin 2004, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté du 1er octobre 2004 ordonnant sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions dirigées contre la mesure de reconduite :

Considérant, en premier lieu, que M. Jean Y, signataire de l'arrêté contesté, disposait, à la date d'intervention de celui-ci, d'une délégation de signature en vertu de l'arrêté n° 2003-15 000 du 2 janvier 2003 régulièrement publié le 7 janvier 2004 au Bulletin municipal officiel de la ville Paris lui donnant compétence pour signer notamment les décisions de reconduite à la frontière ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure attaquée manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté litigieux, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme Y n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du PREFET DE POLICE ordonnant sa reconduite à la frontière porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard de ses motifs en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE POLICE n'a pas davantage méconnu les dispositions du 11° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ou entaché la mesure attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant que si Mme Y soutient que la situation générale en Côte d'Ivoire s'oppose à ce qu'elle soit reconduite à destination de ce pays, elle n'apporte aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de ses craintes quant aux risques personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, ses conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que LE PREFET DE POLICE est fondé à demander l'annulation du jugement du 9 novembre 2004 du tribunal administratif de Paris annulant son arrêté du 24 septembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Y et de la décision distincte fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de la requête aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme Y au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 9 novembre 2004 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme Y devant ce tribunal est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme Y devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Amani Elisabeth Y et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 25 jan. 2006, n° 275018
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: M. Vincent Daumas
Rapporteur public ?: M. Olléon

Origine de la décision
Formation : 8eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 25/01/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 275018
Numéro NOR : CETATEXT000008247042 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-01-25;275018 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award