La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/01/2006 | FRANCE | N°275158

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 18 janvier 2006, 275158


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 2004, présentée par le PREFET DE l'ESSONNE ; le PREFET DE l'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2004 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mokhtar YX ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. YX devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne d

e sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunis...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 décembre 2004, présentée par le PREFET DE l'ESSONNE ; le PREFET DE l'ESSONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2004 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mokhtar YX ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. YX devant ce tribunal ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988, publié par le décret n° 89-27 du 8 février 1989 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Eliane Chemla, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée alors en vigueur : (...) le représentant de l'Etat dans le département peut , par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ( ...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. YX, ressortissant tunisien, interpellé en situation irrégulière le 16 novembre 2004, s'était maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification de l'arrêté en date du 11 octobre 2001 par lequel le préfet de police avait refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ; que, le 17 novembre 2004, le PREFET DE L'ESSONNE a pris, à son encontre, un arrêté de reconduite à la frontière sur le fondement des dispositions précitées du 3°) du I de l'article 22 précité de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur ;

Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles s'est fondé, pour annuler l'arrêté litigieux, sur l'erreur manifeste commise par le PREFET DE L'ESSONNE dans son appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la vie privée et familiale de M. YX qui fait valoir qu'il est entré en France en 1991, que son épouse a déposé une demande de titre de séjour en octobre 2004 en qualité d'étranger malade et que leurs deux enfants sont nés en France où ils sont bien intégrés ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que M. YX n'établit, ni même n'allègue que sa présence serait indispensable aux côtés de son épouse, ni qu'il serait dans l'impossibilité de reconstituer, avec celle-ci et leurs deux enfants nés respectivement en 1999 et 2003, le centre de leur vie familiale dans leur pays d'origine, où ils possèdent l'essentiel de leurs attaches ; que c'est, par suite, à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a retenu ce motif pour annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. YX devant le tribunal administratif de Versailles et devant le Conseil d'Etat ;

Sur la légalité externe :

Considérant que M. François Y, directeur de la citoyenneté et de la nationalité à la préfecture de l'Essonne disposait d'une délégation de signature en date du 26 juillet 2004 à l'effet de signer au nom du préfet l'acte attaqué régulièrement publié au Recueil des actes administratifs du département ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et ne peut qu'être rejeté ;

Sur la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 dans sa rédaction issue du deuxième avenant du 8 septembre 2000 : d) Reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : les ressortissants tunisiens qui justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ;

Considérant que, si M. YX fait valoir qu'il réside en France depuis 1991, les pièces qu'il produit à l'appui de ses allégations sont insuffisantes pour établir sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 7 ter d) précitées de l'accord franco-tunisien modifié doit être écarté ;

Considérant, que M. YX, se prévalant de la durée de son séjour en France où résident sa femme et ses deux enfants qui y sont nés, soutient que l'arrêté du PREFET DE L'ESSONNE porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, eu égard aux conditions de son séjour et au fait que M. YX n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer sa vie familiale dans son pays d'origine, l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que la circonstance que M. YX et ses deux enfants seraient bien intégrés en France et qu'il n'aurait jamais troublé l'ordre public est sans incidence sur la légalité de l'arrêté pris à son encontre ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE L'ESSONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 22 novembre 2004, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 17 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. YX ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de M. YX, n'appelle pas la mesure d'exécution demandée ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. YX doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. YX, au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement en date du 22 novembre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant ce tribunal par M. YX est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. YX devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ESSONNE, à M. Mokhtar YX et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 jan. 2006, n° 275158
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Le Roy
Rapporteur ?: Mme Eliane Chemla
Rapporteur public ?: M. Collin

Origine de la décision
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Date de la décision : 18/01/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 275158
Numéro NOR : CETATEXT000008245426 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2006-01-18;275158 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award