Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 23 décembre 2004 et le 15 juillet 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Y... A, demeurant chez Mme Isemene X..., ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 novembre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant Haïti comme pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations Me de Nervo, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité haïtienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 12 août 2004, de la décision du préfet de police du 10 août 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (…) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (…) ;
Considérant que si M. A soutient qu'il réside en France depuis le 11 mai 1993, les documents qu'il présente à l'appui de ses allégations ne sont pas suffisamment probants, notamment pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997, pour établir sa présence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ne peut qu'être écarté ;
Considérant que si M. A fait également valoir qu'il vit en concubinage depuis juillet 2001 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de M. A en France, lequel n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent son enfant ainsi que sa mère, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de police du 17 septembre 2004 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que si M. A, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 16 octobre 2000, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 29 juin 2001, soutient qu'il craint des poursuites et des traitements dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, il se borne à faire état du climat d'insécurité général en Haïti sans préciser ni justifier les risques qu'il courrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Y... A et au préfet de police.
Copie en sera adressée au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.