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16/01/2006 | FRANCE | N°275081

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 16 janvier 2006, 275081


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 10 décembre 2004 et le 10 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Z... A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrê

té pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 eu...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés le 10 décembre 2004 et le 10 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Z... A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2004 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité thaïlandaise, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 9 août 2004, de la décision du préfet de police du 3 août 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant que si M. A soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas intervenu dans les délais requis par la loi ce moyen est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant que, par un arrêté du 26 décembre 2003, régulièrement publié au bulletin de la ville de Paris du 9 janvier 2004, M. Jean-Paul Y..., préfet de police, a donné à M. Jean de X..., sous-directeur de l'administration des étrangers, délégation pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. Jean de X... n'aurait pas été compétent faute d'être titulaire d'une délégation régulière pour signer l'arrêté attaqué, manque en fait ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale prévue au premier alinéa du même article est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ;

Considérant que si M. A soutient qu'il réside en France depuis le 24 décembre 1994, il ne peut, en tout état de cause, se prévaloir au 17 septembre 2004, date de l'arrêté de reconduite à la frontière, d'un séjour habituel de plus de dix ans en France ; qu'au surplus, les attestations d'amis ou de proches qu'il présente, sont insuffisantes pour établir sa présence habituelle sur le territoire national pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police ne pouvait légalement prendre à son encontre l'arrêté attaqué sans méconnaître les dispositions précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 16 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. A n'établit pas qu'il résiderait habituellement en France depuis décembre 1994 ; que s'il soutient, en outre, qu'il a épousé en France une compatriote en janvier 2001 et que de cette union est né sur le territoire national un enfant en février 2003, que son épouse, dont la situation administrative est en cours de régularisation, n'a fait l'objet d'aucune mesure de reconduite à la frontière, que des membres de sa famille résident régulièrement en France, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A et son épouse, avec laquelle il a contracté mariage le 16 janvier 2004 et non le 16 janvier 2001 ainsi qu'il est mentionné sur le registre de mariage présenté par l'intéressé, font tous deux l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris le même jour par le préfet de police ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions du séjour de M. A en France, et en l'absence de toute circonstance mettant l'intéressé et son épouse dans l'impossibilité d'emmener leur enfant avec eux, l'arrêté du préfet de police n'a pas porté au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a ainsi ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 16 de la convention internationales des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que toutefois, pour les raisons évoquées ci-dessus, M. A et son épouse peuvent poursuivre leur vie familiale en Thaïlande avec leur enfant ; que, par suite, les stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée n'ont pas été méconnues par la mesure de reconduite à la frontière contestée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Z... A, au préfet de police et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 275081
Date de la décision : 16/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 jan. 2006, n° 275081
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur public ?: M. Casas

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:275081.20060116
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