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11/01/2006 | FRANCE | N°264023

France | France, Conseil d'État, 3eme et 8eme sous-sections reunies, 11 janvier 2006, 264023


Vu le recours, enregistré le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 2 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de M. Philippe X, annulé le jugement du 22 juillet 1999 du tribunal administratif de Limoges, lequel a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de

l'association départementale pour l'aménagement des structures d...

Vu le recours, enregistré le 28 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 2 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, à la demande de M. Philippe X, annulé le jugement du 22 juillet 1999 du tribunal administratif de Limoges, lequel a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat et de l'association départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles du département de l'Indre, à lui verser une indemnité de 500 000 F en réparation du préjudice résultant de la déchéance de ses droits à l'aide au retrait de terres arables ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête de M. Philippe X tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 500 000 F de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement n° 1272/88/CEE du 29 avril 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Hemery, avocat de M. X,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, que selon le règlement CEE n° 1272/88 de la Commission des communautés européennes du 29 avril 1988, l'aide au retrait des terres arables est octroyée au vu d'un dossier comprenant aux termes du point 1 de l'article 7 de ce texte : a) la superficie totale de l'exploitation et la localisation des parcelles agricoles ; b) la ventilation entre terres arables, prairies permanentes et autres formes d'utilisation des parcelles agricoles appartenant à l'exploitation ; c) la superficie des terres arables effectivement cultivées pendant la période de référence ; d) la superficie qu'il maintiendra en terres arables et sa localisation ; e) la superficie qu'il retirera de la production et sa localisation f) l'utilisation envisagée de la superficie visée au point e) ; que le point 4 du même article 7 précise que : La demande d'aide est accompagnée d'éléments justificatifs établissant : - le mode de faire valoir de chacune des parcelles (…) ; que l'article 8 du même règlement prévoit que : L'engagement à souscrire par le demandeur comporte en particulier : (…) e) l'obligation des bénéficiaires de permettre aux instances compétentes de vérifier le respect de ses obligations (…) ; que selon l'article 14 du même règlement : 2- Les Etats membres contrôlent chaque année un échantillon représentatif des exploitations bénéficiaires (…) 3- Les contrôles visés au paragraphe 2 comportent au moins : - une vérification de tous les éléments de l'engagement du bénéficiaire ainsi que des documents justificatifs, - un contrôle sur place afin d'inspecter les superficies retirées et la correspondance entre les éléments figurant dans la demande d'aide et la situation réelle, (…) ;

Considérant que par une décision du 16 février 1990, le préfet de l'Indre a accordé à M. X la subvention qu'il sollicitait au titre de l'aide au retrait des terres arables ; que pour prendre cette décision, le préfet s'est fondé sur les déclarations présentées par l'intéressé dans sa demande du 15 janvier 1990 qui attestaient notamment que les parcelles destinées à être retenues étaient des terres arables éligibles à l'aide instituée par la réglementation européenne ; que, dans le cadre du contrôle a posteriori prévu à l'article 14 du règlement, des documents complémentaires ont révélé le caractère inexact de cette attestation, les parcelles désignées par M. X n'ayant pas été cultivées pendant la campagne 87/88, définie comme période de référence, ce qui les rendait inéligibles à l'aide ; que le préfet a alors, par décision du 11 mars 1991, retiré à M. X le bénéfice de l'aide précédemment octroyée ; que celui-ci, qui ne conteste pas les faits, a demandé à l'administration de l'indemniser des préjudices d'exploitation nés de l'erreur qu'aurait commise l'administration en lui accordant une subvention à laquelle il n'avait, en réalité, pas droit ; que le ministre de l'agriculture se pourvoit contre l'arrêt en date du 2 décembre 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux, infirmant le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 22 juillet 1999, l'a condamné à payer à l'intéressé une indemnité de 10 000 euros en raison du caractère fautif de sa décision ;

Considérant qu'il résulte clairement des dispositions précitées que l'autorité administrative, si elle est tenue de s'assurer que la demande présentée répond bien aux conditions d'égibilité au vu des pièces mentionnées aux articles 7 et 8 du règlement précité, n'a pas pour autant l'obligation de contrôler a priori la sincérité des données attestées dans la demande d'aide, lesquelles peuvent en revanche faire l'objet du contrôle a posteriori mentionné à l'article 14, destiné à vérifier la correspondance entre tous les éléments figurant dans la demande d'aide et la situation réelle ; que, saisie d'une contestation relative à la faute qu'aurait commise l'administration en accordant une aide au titre de parcelles dont elle a tardivement découvert l'inéligibilité, la cour administrative d'appel de Bordeaux devait vérifier si les pièces du dossier initialement présenté pouvaient par elles-mêmes révéler à l'administration cette inéligibilité ; que dans le cas d'un dossier comportant des déclarations inexactes, elle ne pouvait retenir une faute de l'administration que si le contenu du dossier produit mettait à l'évidence l'administration en mesure de découvrir cette inexactitude ; que, par suite, en décidant que l'attribution de l'aide constituait une faute, sans examiner si cette inéligibilité ressortait des pièces du dossier, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES est fondé à demander, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Rousseau, qui n'a jamais caché à l'administration qu'il exerçait, jusqu'à la campagne 1988/1989, exclusivement une activité d'élevage, ce qui excluait que les parcelles pour lesquelles il demandait l'aide au retrait aient pu être cultivées en céréales autrement que pour fournir le fourrage des bestiaux de l'exploitation, affirme sans être contredit et avec suffisamment de précision, qu'il a rempli les formulaires avec l'aide de fonctionnaires appartenant aux services de la direction départementale de l'agriculture de l'Indre, laquelle disposait ainsi des données nécessaires pour relever, dès le dépôt de la demande, l'inéligibilité des terres en cause ; que dans les conditions particulières de l'espèce, la faute commise par l'administration en ne rejetant pas immédiatement la demande présentée est de nature à engager sa responsabilité à l'encontre de M. X ; qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices subis de ce chef par ce dernier en les évaluant à 15 000 euros y compris tous intérêts courus au jour de la présente décision ; que si M. X soutient avoir subi d'autres dommages, il n'apporte pas à l'appui de ses allégations de précisions suffisantes pour en établir le bien fondé ; que dès lors, M. X n'est fondé à demander que dans cette mesure l'annulation du jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 22 juillet 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant dans les circonstances de l'espèce, qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 2 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une indemnité de 15 000 euros, y compris tous intérêts courus au jour de la présente décision ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 22 juillet 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées en appel par M. X et le surplus des conclusions du MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe X et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3eme et 8eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 264023
Date de la décision : 11/01/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 2006, n° 264023
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: M. Gilles Bardou
Rapporteur public ?: M. Glaser
Avocat(s) : HEMERY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2006:264023.20060111
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