Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 février et 10 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NATIOCREDIBAIL, dont le siège est 46-52, rue Arago à Puteaux (92823), représentée par son président directeur général en exercice ; la SOCIETE NATIOCREDIBAIL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la réduction de la taxe foncière sur les propriétés bâties à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1997 et 1998 dans les rôles de la commune de Tremblay-en-France à raison de l'immeuble situé 9, rue de l'Etang ;
2°) statuant au fond, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins d'établir si un terme de comparaison permettant d'évaluer l'immeuble en cause peut être trouvé, et de lui accorder la réduction des impositions litigieuses à hauteur de 11 117,95 euros au titre de 1997 et de 12 051,86 euros au titre de 1998 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Thomas Andrieu, Auditeur,
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la SOCIETE NATIOCREDIBAIL,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise que la SOCIETE NATIOCREDIBAIL a demandé la réduction, à hauteur de montants respectifs de 11 117,95 euros au titre de 1997 et de 12 051,86 euros au titre de 1998, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie à raison d'un immeuble dont elle est propriétaire à Tremblay-en-France (Val-d'Oise) ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 11 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : / 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; / 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. / Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; / b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : / Soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date, / Soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; / 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe ; qu'aux termes de l'article 1504 du même code : Les locaux types à retenir pour l'évaluation par comparaison des biens visés à l'article 1498 sont choisis par le représentant de l'administration et par la commission communale des impôts directs. Après harmonisation avec les autres communes du département, la liste en est arrêtée par le service des impôts (...) ; qu'il résulte des termes mêmes du 3°) de l'article 1498 du code que ce n'est qu'à défaut soit de pouvoir retenir la valeur locative sur le fondement du 1°, soit de trouver des termes de comparaison pertinents que l'administration peut légalement procéder à une évaluation directe ;
Considérant qu'après avoir écarté les locaux-types successivement retenus par l'administration comme termes de comparaison, au motif qu'ils n'étaient pas loués au 1er janvier 1970 et n'avaient pas été évalués conformément aux dispositions du 2° de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de la SOCIETE NATIOCREDIBAIL au motif que l'administration avait procédé, sur le fondement du 3° de l'article 1498 du code général des impôts, à une évaluation directe des locaux en litige à partir du prix de leur cession intervenue en 1988, dont ressortait une valeur locative supérieure à celle appliquée par le service ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si un autre local pouvait utilement être retenu comme élément de comparaison conformément aux dispositions des articles 1498-2° et 1504 du code général des impôts, alors que l'administration ne soutenait pas que le local appartenant à la SOCIETE NATIOCREDIBAIL ne pouvait, eu égard à ses caractéristiques, faire l'objet d'une telle appréciation par comparaison, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a commis une erreur de droit ; que, par suite, la SOCIETE NATIOCREDIBAIL est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;
Considérant que l'administration a la faculté, à tout moment au cours de la procédure contentieuse, de justifier l'évaluation de la valeur locative d'un bien passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties par référence à un terme de comparaison autre que celui, inapproprié, auquel elle s'est initialement référée pour autant que son évaluation soit établie dans le respect de l'ordre des critères défini à l'article 1498 du code précité ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la SOCIETE NATIOCREDIBAIL, c'est à bon droit que l'administration, qui avait initialement retenu comme terme de comparaison le local-type n° 52 du procès-verbal n° 6670 C des opérations d'évaluation foncière des locaux commerciaux de la commune de Tremblay-en-France, a pu, en cours d'instance, se référer à un autre terme de comparaison pour évaluer la valeur locative foncière du bien en litige ; que, dans le dernier état de ses écritures, l'administration propose comme terme de comparaison le local-type n° 45 inscrit au procès-verbal des opérations d'évaluation foncière de la commune de Bagnolet ; que si le caractère particulier ou exceptionnel de l'immeuble à évaluer, justifiant le choix d'un terme de comparaison hors de la commune en vertu du 2° a) de l'article 1498 du code général des impôts, n'est pas contesté, en revanche, l'administration ne justifie pas par ses allégations sur l'évolution économique parallèle des deux communes depuis 1970, que la commune de Bagnolet présentât à la date d'établissement des impositions en litige, une situation analogue, du point de vue économique, à celle de Tremblay-en-France, comme l'exige le 2° b) du même article ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins d'inviter le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la SOCIETE NATIOCREDIBAIL, à produire les éléments de nature à établir une analogie de situation entre ces deux communes ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 11 décembre 2003 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : Avant de statuer sur le surplus des conclusions de la requête, il sera procédé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, contradictoirement avec la SOCIETE NATIOCREDIBAIL, à un supplément d'instruction aux fins de produire les éléments de nature à établir que les communes de Bagnolet et de Tremblay-en-France présentent, à la date d'établissement des impositions en litige, une situation analogue du point de vue économique.
Article 3 : Un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision est accordé au ministre pour faire parvenir au Conseil d'Etat les éléments prévus à l'article 2.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATIOCREDIBAIL et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.