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16/11/2005 | FRANCE | N°272672

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 16 novembre 2005, 272672


Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 10 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A...B...et fixant le Maroc comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;
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Vu la convention européenne de sauvegarde des dr...

Vu la requête, enregistrée le 28 septembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE ; le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 26 août 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 10 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A...B...et fixant le Maroc comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bernard Pignerol, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B..., de nationalité marocaine, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 juin 2004, de la décision du PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE du 14 juin 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire dans un délai d'un mois ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où le préfet peut, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée régulièrement en France en 1996 avec ses quatre enfants, alors âgés de 15, 14, 9 et 7 ans, sous couvert d'un titre de séjour spécial délivré en sa qualité d'épouse de l'attaché du consulat du Maroc à Rennes et qu'elle a exprimé le souhait en 2002, quand son mari a été muté au Maroc et que les époux ont cessé leur vie commune, de rester en France afin de permettre à ses deux filles mineures, qui n'avaient pas vécu au Maroc et avaient été scolarisées en France, d'y poursuivre leurs études secondaires et supérieures ; que l'un de ses fils, marié à une ressortissante française réside régulièrement en France ; que Mme B... a obtenu en France en 2003 le titre professionnel d'assistante de vie, délivré par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et qu'elle est titulaire de plusieurs contrats de travail à durée indéterminée lui permettant d'exercer la qualification correspondante ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué porte une atteinte disproportionnée, au regard des buts en vue desquels il a été pris, au droit à une vie familiale normale de Mme B... et méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 10 août 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de MmeB... ;

Sur les conclusions à fin d'astreinte :

Considérant qu'il y a lieu d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, faute pour l'Etat d'avoir réexaminé la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application de ses dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE est rejetée.

Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, réexaminé la situation de Mme B.... Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour, à compter de l'expiration de ce délai.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'ILLE-ET-VILAINE, à Mme A... B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 272672
Date de la décision : 16/11/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 16 nov. 2005, n° 272672
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bernard Pignerol
Rapporteur public ?: M. Keller

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:272672.20051116
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