Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août 2004 et 3 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Alain X, demeurant ...; M. X demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 29 juin 2004 relatif aux modalités et effets de la publication sous forme électronique de certains actes administratifs au Journal officiel de la République française ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 ;
Vu l'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, ensemble la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,
- les conclusions de M. Francis Donnat, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 29 juin 2004 relatif aux modalités et effets de la publication sous forme électronique de certains actes administratifs au Journal officiel de la République française ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que le texte du décret attaqué ne serait conforme ni au texte soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat, ni au texte de l'avis adopté par le Conseil d'Etat, manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit : « Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à simplifier et harmoniser par ordonnance les règles relatives aux conditions d'entrée en vigueur des lois, ordonnances, décrets et actes administratifs, ainsi que les modalités selon lesquelles ces textes sont publiés et portés à la connaissance du public, en prenant en compte les possibilités offertes par les technologies de l'information et de la communication » ; que l'ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, prise en application de la loi précitée, a procédé à cette simplification et à cette harmonisation ; que M. X conteste, par la voie de l'exception, la légalité de ces dispositions, pour l'application desquelles a été pris le décret attaqué, et qui ont un caractère réglementaire aussi longtemps que le législateur n'en a pas opéré la ratification ; que, toutefois, aux termes de l'article 78 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit : Les ordonnances suivantes sont ratifiées : (...) / XIII - Ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs (...) ; qu'ainsi, la légalité de l'ordonnance du 20 février 2004, qui a été ratifiée par le Parlement, n'est plus susceptible d'être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, M. X ne saurait utilement invoquer l'illégalité de cette ordonnance, par voie d'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le décret attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 20 février 2004 : « Sont publiés au Journal officiel de la République française les lois, les ordonnances, les décrets et, lorsqu'une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs. » ; que l'article 3 de cette même ordonnance dispose : « La publication des actes mentionnés à l'article 2 est assurée, le même jour, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité, sur papier et sous forme électronique. Le Journal officiel de la République française est mis à la disposition du public sous forme électronique de manière permanente et gratuite. » ; qu'enfin l'article 5 de cette ordonnance renvoie à un décret en Conseil d'Etat la définition des catégories d'actes administratifs dont, eu égard à leur nature, à leur portée, et aux personnes auxquelles ils s'appliquent, la publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à assurer l'entrée en vigueur ;
Considérant que l'article 1er du décret attaqué prévoit que la publication sous forme électronique au Journal officiel de la République française suffira à assurer l'entrée en vigueur des actes suivants : « 1° Les actes réglementaires, autres que les ordonnances, qui sont relatifs à l'organisation administrative de l'Etat, en particulier les décrets se rapportant à l'organisation des administrations centrales, les actes relatifs à l'organisation des services déconcentrés de l'Etat, ainsi que ceux portant délégation de signature au sein des services de l'Etat et de ses établissements publics ; / 2° Les actes réglementaires, autres que les ordonnances, relatifs aux fonctionnaires et agents publics, aux magistrats et aux militaires ; / 3° Les actes réglementaires, autres que les ordonnances, relatifs au budget de l'Etat, notamment les décrets et arrêtés portant répartition, ouverture, annulation, virement ou transfert de crédits, ceux relatifs aux fonds de concours, aux postes comptables du Trésor public et aux régies d'avances, ainsi que les instructions budgétaires et comptables ; / 4° Les décisions individuelles prises par le ministre chargé de l'économie dans le domaine de la concurrence ; / 5° Les actes réglementaires des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale, autres que ceux qui intéressent la généralité des citoyens. » ; que l'article 2 de ce même décret dispose : « Les décisions individuelles et l'ensemble des autres actes dépourvus de valeur réglementaire, y compris les avis et propositions, dont une loi ou un décret prévoit la publication au Journal officiel font exclusivement l'objet d'une publication sous forme électronique, lorsqu'ils relèvent de l'une des matières énumérées aux 1°, 2° et 3° de l'article 1er du présent décret ou émanent de l'une des autorités mentionnées au 5° du même article. » ; que l'administration n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la nature et la portée de ces actes administratifs ainsi que les caractéristiques des publics concernés par les catégories d'actes ainsi définies permettaient de réserver leur publication à la seule version électronique du Journal officiel et n'a pas méconnu le principe d'égalité ;
Considérant que les dispositions attaquées prévoyant la publication de certains actes administratifs sur un support exclusivement électronique se bornent à mettre en oeuvre l'ordonnance du 20 février 2004, ratifiée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, par la loi du 9 décembre 2004, qui n'a notamment pas prévu que la version imprimée du Journal officiel devait mentionner dans son sommaire analytique les intitulés des textes publiés uniquement sous forme électronique ; que, par suite, M. X ne peut utilement se prévaloir devant le juge administratif de l'inconstitutionnalité, et notamment de la méconnaissance de l'objectif à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi des dispositions attaquées dès lors qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat de contrôler la conformité des lois à la Constitution ;
Considérant, enfin, que la substitution de la version électronique à la version papier du Journal officiel opérée par l'ordonnance du 20 février 2004 n'est de nature à porter atteinte ni à l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en vertu duquel est garanti à toute personne le droit à la liberté d'expression et celui de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir d'ingérence d'autorités publiques, ni à la clause de non-discrimination énoncée à l'article 14 de cette même convention ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. X doit être rejetée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X, au Garde des sceaux, ministre de la justice, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et au Premier ministre.