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09/11/2005 | FRANCE | N°271354

France | France, Conseil d'État, 1ere sous-section jugeant seule, 09 novembre 2005, 271354


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 19 août 2004, présentée par le PREFET DU LOT-ET-GARONNE ; le PREFET DU LOT-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 1er juillet 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Blérina X et la décision du même jour fixant l'Albanie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Bord

eaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvega...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Conseil d'Etat le 19 août 2004, présentée par le PREFET DU LOT-ET-GARONNE ; le PREFET DU LOT-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 1er juillet 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme Blérina X et la décision du même jour fixant l'Albanie comme pays de destination ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gilles de la Ménardière, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Jacques-Henri Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors en vigueur : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification du refus ou du retrait (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité albanaise, s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire français ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que si, à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme X fait valoir qu'elle justifie d'un séjour continu de trois années en France, pays au sein duquel elle se sent intégrée et que cette décision porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et l'un de ses enfants ; que si Mme X fait valoir que l'un de ses enfants est né en France, cet enfant n'a pas la nationalité française et son état de santé ne fait pas obstacle à ce que Mme X l'emmène avec elle ; que si Mme X fait valoir en outre qu'elle suit un traitement médical, l'intéressée n'apporte aucune précision quant à la gravité du trouble et quant aux conséquences d'une mesure de reconduite à la frontière sur cette pathologie ; qu'en dernier lieu, si Mme X fait état de la présence de son époux en France, sans d'ailleurs établir la réalité de ce mariage, il ressort des pièces du dossier que celui-ci est incarcéré et, ayant fait l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, devra quitter la France à l'expiration de sa détention ; que, dans ces circonstances et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, cet arrêté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux, s'est fondé sur ce qu'il méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 25 novembre 2002 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le PREFET DU LOT-ET-GARONNE a donné à Mme Dilhac, secrétaire générale, délégation pour signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que les circonstances invoquées par Mme X ne sont pas de nature à faire regarder la mesure de reconduite comme ayant été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant prescrivant à l'autorité administrative d'accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant ; que les autres stipulations de cette même convention couvrent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés ; qu'elles ne peuvent donc utilement être invoquées ;

Considérant, enfin, qu'aucune des circonstances mentionnées ci-dessus ne permet de faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure de reconduite sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU LOT-ET-GARONNE dont la requête contrairement à ce que soutient Mme X, n'est pas tardive, est fondé à demander l'annulation du jugement du 10 juillet 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a annulé son arrêté du 1er juillet 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X ; que, par voie de conséquence, les conclusions que cette dernière présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 10 juillet 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Bordeaux par Mme X est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU LOT-ET-GARONNE, à Mme Blérina X et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 09 nov. 2005, n° 271354
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Gilles de la Ménardière
Rapporteur public ?: M. Stahl

Origine de la décision
Formation : 1ere sous-section jugeant seule
Date de la décision : 09/11/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 271354
Numéro NOR : CETATEXT000008212032 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2005-11-09;271354 ?
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