Vu la requête, enregistrée le 27 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE, dont le siège est B.P. 2551 à Papeete (98713), tendant à ce que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le IV de l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-57 du 26 janvier 2005 portant actualisation et adaptation du droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, en tant qu'il rend applicable en Polynésie française l'article L. 800-6 du code du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 38, 73 et 74 ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, notamment ses articles 13, 14 et 140 ;
Vu la loi n° 86-845 du 17 juillet 1986 modifiée relative aux principes généraux du droit du travail et à l'organisation et au fonctionnement de l'inspection du travail et des tribunaux du travail en Polynésie française ;
Vu la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, notamment son article 62 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Laurence Marion, Auditeur,
- les conclusions de Mlle Célia Verot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'article 62 de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, les mesures nécessaires en tant qu'elles concernent les compétences de l'Etat, à l'actualisation du droit applicable dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre et Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, notamment en matière de droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; que les dispositions du IV de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2005 portant actualisation et adaptation du droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle outre-mer insèrent dans le titre VIII du code du travail un article L. 800-6 en vertu duquel le contrat de travail des salariés des entreprises établies en métropole, dans un département d'outre-mer ou à Saint-Pierre-et-Miquelon et exerçant leur activité en Polynésie française pendant une durée maximale de vingt-quatre mois reste régi par les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles applicables à l'entreprise qui les emploie ; que le PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANCAISE demande l'annulation de l'article 1er de cette ordonnance en tant qu'elle rend applicables les dispositions précitées de l'article L. 800-6 du code du travail à la Polynésie française ;
Considérant qu'aux termes de l'article 74 de la Constitution : Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République. / Ce statut est défini par une loi organique, adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe : / 1° les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ; / 2° les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle , le transfert de compétences de l'Etat ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ; que selon le 4ème alinéa de l'article 73 de la Constitution ces matières sont : la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l'état et la capacité des personnes, l'organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral... ; que l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française dispose que les autorités de la Polynésie française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat par l'article 14, sous réserve des compétences attribuées aux communes ou exercées par elles en application de cette loi organique ; qu'il résulte de l'article 14 de cette même loi organique que le droit du travail, y compris la détermination de ses principes généraux, n'est pas au nombre des matières dans lesquelles l'Etat demeure compétent en Polynésie française ;
Considérant que l'ordonnance attaquée a pour objet et pour effet de déterminer, à défaut de précisions dans la loi organique, les modalités de combinaison des normes de droit du travail émanant de la Polynésie française avec celles en vigueur en métropole, dans un département d'outre-mer ou à Saint-Pierre et Miquelon ; que de telles règles de combinaison, qui participent directement à la définition des compétences respectives de l'Etat et de la Polynésie française, ne peuvent être déterminées que par une loi organique ; que, par suite, les dispositions attaquées de l'ordonnance du 26 janvier 2005, intervenues dans le champ que la Constitution réserve à la loi organique, doivent être annulées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le IV de l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-57 du 26 janvier 2005 portant actualisation et adaptation du droit du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, est annulé en tant qu'il rend applicable en Polynésie française l'article L. 800-6 du code du travail.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au président de la Polynésie française, au Premier ministre, au ministre de l'outre-mer et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.