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04/11/2005 | FRANCE | N°263429

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 04 novembre 2005, 263429


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 26 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AMEC SPIE, agissant par ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité 70, chemin de Peyssat, Z.I. de Montaudran, B.P. 4056 à Toulouse (31029 Cedex) ; la SOCIETE AMEC SPIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 décembre 2003 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ordonnance du 17 juin 2003 par laquelle le magistrat délégu

par le président du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le f...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 26 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE AMEC SPIE, agissant par ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité 70, chemin de Peyssat, Z.I. de Montaudran, B.P. 4056 à Toulouse (31029 Cedex) ; la SOCIETE AMEC SPIE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 19 décembre 2003 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'ordonnance du 17 juin 2003 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse, saisi sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a condamné le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège à lui verser une provision de 52 319,47 euros au titre du solde d'un marché de travaux dont elle était titulaire dans le cadre de la construction du nouvel hôpital du Val d'Ariège ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par elle, de condamner le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège à lui verser une provision de 58 223,66 euros, sans subordonner le versement de cette somme à la constitution d'une garantie ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE AMEC SPIE et de la SCP Bachellier, Potier de la Varde, avocat du Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège,

les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux que la société Spie Trindel, titulaire des marchés de travaux relatifs aux lots numéros 23, 25 et 27 de l'opération de construction du nouvel hôpital du Val d'Ariège, a contesté, par un mémoire de réclamation en date du 1er février 2001, le décompte général établi, pour chacun de ces marchés, par le maître d'oeuvre ; que, ses prétentions ayant été implicitement rejetées par le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège, maître de l'ouvrage, elle a, le 28 décembre 2001, saisi du différend le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux, qui a rendu son avis le 9 avril 2002 ; que, par un courrier du 13 août 2002, le directeur du Centre hospitalier a fait connaître à la société Spie Trindel la position du maître d'ouvrage, suite à (...) l'avis émis par le comité ; que, en désaccord avec cette position, la société a toutefois saisi le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à ce que, dans l'attente du règlement définitif du différend, le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège soit condamné à lui verser, à titre de provision, les sommes dont il avait, par le courrier en cause, admis le règlement ; que la SOCIETE AMEC SPIE, venant aux droits de la société Spie Trindel, demande l'annulation de l'ordonnance du 19 décembre 2003 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir annulé l'ordonnance du 17 juin 2003 du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse qui avait condamné le Centre hospitalier à lui verser une provision de 52 319,47 euros, a rejeté sa demande ;

Sur l'ordonnance attaquée en tant qu'elle annule l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2003 :

Considérant que c'est par une appréciation souveraine dénuée de dénaturation que le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a estimé que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 17 juin 2003 était insuffisamment motivée ; qu'ainsi, la SOCIETE AMEC SPIE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant que, par son article 1er, elle annule, pour ce motif, l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse ;

Sur l'ordonnance attaquée en tant que, après évocation, elle rejette la demande de provision présentée par la SOCIETE AMEC SPIE :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 239 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : (...) II. sont constitués par un arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre chargé de l'économie et des finances, auprès du préfet désigné par ledit arrêté, des comités consultatifs régionaux ou interrégionaux de règlement amiable des différends ou litiges relatifs aux marchés passés par les services extérieurs de l'Etat (...). / III. les comités mentionnés aux I et II ci-dessus ont pour mission de rechercher les éléments de droit ou de fait pouvant être équitablement adoptés en vue d'une solution amiable. / L'avis donné par le comité porte sur le principal et les intérêts de l'indemnité pouvant être accordée pour le règlement du différend ou litige ; qu'aux termes de l'article 242 : (...) Le titulaire du marché peut saisir directement le comité, dès lors que la personne responsable du marché ayant rejeté une de ses demandes, il est fondé à porter le différend ou le litige devant le ministre ou devant le représentant légal de l'établissement public (...) ; qu'aux termes de l'article 246 : Le comité notifie son avis dans un délai de six mois à compter de la saisine. Ce délai peut être prolongé par période de trois mois, par décision motivée du président. L'avis est notifié au ministre ou au représentant légal de l'établissement public contractant, ainsi qu'au titulaire du marché. (...) La date de cette notification fait courir le délai ci-après. / La décision du ministre ou du représentant légal de l'établissement public est notifiée au titulaire du marché et au secrétaire du comité dans les trois mois suivant l'avis du comité (...) ; qu'aux termes de l'article 360-1 : Les comités consultatifs régionaux ou interrégionaux prévus au II de l'article 239 peuvent être saisis à l'occasion de différends ou litiges relatifs aux marchés des collectivités locales ou de leurs établissements publics. Les règles relatives à leur composition et à leur fonctionnement, fixées par les articles 240 à 246, sont applicables sous réserves des dispositions suivantes : / (...) 4° Pour l'application des règles de procédure fixées aux articles 242 et 246, le représentant légal de la collectivité ou de l'établissement public est substitué au ministre, après habilitation donnée à cet effet, le cas échéant, par l'assemblée délibérante de cette collectivité ou de cet établissement ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 44 de l'article 13 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable aux marchés passés entre le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège et la société Spie Trindel : (...) Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation (...). Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50 (...) ; qu'aux termes du 22 de l'article 50 : Si un différend survient directement entre la personne responsable du marché et l'entrepreneur, celui-ci doit adresser un mémoire de réclamation à ladite personne aux fins de transmission au maître de l'ouvrage ; qu'aux termes du 23 du même article : La décision à prendre sur les différends prévus aux 21 et 22 du présent article appartient au maître de l'ouvrage. / Si l'entrepreneur ne donne pas son accord à la décision ainsi prise, les modalités fixées par cette décision sont appliquées à titre de règlement provisoire du différend, le règlement définitif relevant des procédures décrites ci-après ; qu'aux termes du 31 : Si, dans le délai de trois mois à partir de la date de réception, par la personne responsable du marché, de la lettre ou du mémoire de l'entrepreneur mentionné aux 21 et 22 du présent article, aucune décision n'a été notifiée à l'entrepreneur, ou si celui-ci n'accepte pas la décision qui lui a été notifiée, l'entrepreneur peut saisir le tribunal administratif compétent (...) ; qu'aux termes du 32 : Si, dans le délai de six mois à partir de la notification à l'entrepreneur de la décision prise conformément au 23 du présent article sur les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, l'entrepreneur n'a pas porté ses réclamations devant le tribunal administratif compétent, il est considéré comme ayant accepté ladite décision et toute réclamation est irrecevable. / Toutefois, le délai de six mois est suspendu en cas de saisine du comité consultatif de règlement amiable (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions et stipulations que la mise en oeuvre de la décision prise par le maître de l'ouvrage au vu de l'avis émis par le comité consultatif de règlement amiable des litiges, dans les conditions prévues à l'article 246 du code des marchés publics, n'est pas, sauf si elle le prévoit expressément, subordonnée à la passation d'un avenant ; que, lorsque le comité a été saisi d'un différend relatif au décompte général du marché, l'acceptation de cette décision par l'entrepreneur suffit à conférer un caractère définitif au décompte ; qu'ainsi, en estimant que, faute d'accord formel du maître de l'ouvrage à la proposition de règlement contenue dans l'avis du comité consultatif de règlement amiable, l'obligation dont se prévalait la SOCIETE AMEC SPIE ne pouvait être regardée comme non sérieusement contestable, sans rechercher si le courrier du directeur du Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège en date du 13 août 2002 constituait, comme cela était soutenu devant lui, la décision visée à l'article 246 du code des marchés publics et si cette décision avait été acceptée par la société, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de son pourvoi sur ce point, la SOCIETE AMEC SPIE est fondée à demander, pour ce motif, l'annulation des articles 2 à 4 de l'ordonnance attaquée ;

Considérant qu'il y a lieu, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de régler l'affaire, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, au titre de la procédure de référé engagée par la société Spie Trindel ;

Considérant, en premier lieu, que, lorsque le comité consultatif de règlement amiable des litiges a été saisi après l'intervention de la décision visée au premier alinéa du 23 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, les stipulations du second alinéa du même paragraphe ne s'appliquent pas à la décision prise par le maître de l'ouvrage au vu de l'avis émis par le comité, qui ne se substitue pas à la précédente ; qu'il suit de là que si, ainsi qu'il a été dit, par un courrier du 13 août 2002, le directeur du Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège a fait connaître à la société Spie Trindel la position du maître d'ouvrage, suite à (...) l'avis émis par le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Bordeaux et si ce courrier, qui, contrairement à ce que soutient le Centre hospitalier, est inconditionnel et, notamment, ne subordonne pas la mise en oeuvre des modalités qu'il fixe à la passation d'un avenant, constitue ainsi la décision qu'il appartenait au maître de l'ouvrage de prendre, en vertu des dispositions de l'article 246 du code des marchés publics, au vu de l'avis émis par le comité, la SOCIETE AMEC SPIE, qui n'a pas accepté cette décision, n'est pas fondée à soutenir que les modalités qu'elle fixe doivent, en application des stipulations du second alinéa du 23 de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales, être appliquées à titre de règlement provisoire du différend ;

Considérant, en second lieu, qu'à supposer que la circonstance que les puissances électriques à installer se sont révélées largement supérieures à celles mentionnées, à titre indicatif, au cahier des clauses techniques particulières puisse être regardée comme constitutive d'une sujétion imprévue, celle-ci ne saurait, en l'état de l'instruction, et compte tenu du montant des travaux faisant l'objet du lot en cause, être regardée comme ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du marché, dont le caractère forfaitaire fait, dès lors, obstacle à l'indemnisation de ses conséquences ; qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction que le remplacement par la société Spie Trindel, dans le transformateur provisoire de chantier, d'une cellule interrupteur endommagée par la société Colas, si elle a évité au chantier de prendre du retard, ait été indispensable à l'exécution des travaux dans les règles de l'art ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, en l'état de l'instruction, l'obligation dont se prévaut la SOCIETE AMEC SPIE ne peut être regardée comme non sérieusement contestable ; qu'il suit de là que la demande de provision présentée devant le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge du Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que la SOCIETE AMEC SPIE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la même société une somme de 2 500 euros au titre des frais de même nature exposés par le Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège tant en première instance qu'en appel et en cassation ;

D E C I D E :

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Article 1er : : Les articles 2 à 4 de l'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 19 décembre 2003 sont annulés.

Article 2 : La demande de provision présentée par la SOCIETE AMEC SPIE devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SOCIETE AMEC SPIE versera au Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE AMEC SPIE et au Centre hospitalier intercommunal du Val d'Ariège.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 263429
Date de la décision : 04/11/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02-01 MARCHÉS ET CONTRATS ADMINISTRATIFS. EXÉCUTION FINANCIÈRE DU CONTRAT. RÈGLEMENT DES MARCHÉS. DÉCOMPTE GÉNÉRAL ET DÉFINITIF. - SAISINE DU COMITÉ CONSULTATIF DE RÈGLEMENT AMIABLE (CCRA) DES LITIGES APRÈS INTERVENTION DE LA DÉCISION PRISE PAR LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE SUR LE MÉMOIRE DE RÉCLAMATION ADRESSÉ PAR L'ENTREPRENEUR (1ER ALINEA DE L'ARTICLE 50.23 DU CCAG-TRAVAUX) - POSITION PRISE PAR LE MAÎTRE DE L'OUVRAGE AU VU DE L'AVIS ÉMIS PAR LE COMITÉ - SUBSTITUTION À LA DÉCISION PRISE AVANT LA SAISINE DU CCRA - ABSENCE - CONSÉQUENCE - APPLICATION À TITRE PROVISOIRE DE LA PREMIÈRE DÉCISION.

39-05-02-01 Saisine du comité consultatif de règlement amiable (CCRA) des litiges après l'intervention de la décision prise par le maître de l'ouvrage, en application du premier alinéa de l'article 50.23 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, sur le mémoire de réclamation adressé par l'entrepreneur. La position prise par le maître de l'ouvrage au vu de l'avis émis par le comité consultatif de réglement amiable des litiges ne se substitue pas à la décision prise en application du premier alinéa de l'article 50.23. C'est donc la décision prise avant saisine du CCRA qui s'applique à titre provisoire entre les parties, en application du second alinéa du même article.


Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2005, n° 263429
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BACHELLIER, POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:263429.20051104
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