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05/10/2005 | FRANCE | N°259808

France | France, Conseil d'État, 7eme et 2eme sous-sections reunies, 05 octobre 2005, 259808


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 16 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X, demeurant ... et pour l'EARL X-LEDOUX, dont le siège est à la même adresse ; M. et Mme X et l'EARL X-LEDOUX demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2001 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 100 000 francs (15 244,90 euros)

en réparation des préjudices subis par eux à la suite des opérations d...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 16 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X, demeurant ... et pour l'EARL X-LEDOUX, dont le siège est à la même adresse ; M. et Mme X et l'EARL X-LEDOUX demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 17 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2001 en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 100 000 francs (15 244,90 euros) en réparation des préjudices subis par eux à la suite des opérations de remembrement menées dans la commune de Saint-Sauveur des Landes, à l'occasion de la construction de l'autoroute A 84 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la route ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Boucher, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. et Mme X et de l'EARL X-LEDOUX,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêt du 17 juin 2003, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur l'appel incident du ministre de l'équipement, des transports et du logement, annulé le jugement du 4 avril 2001 par lequel le tribunal administratif de Rennes avait condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 100 000 francs (15 244,90 euros) en réparation du préjudice subi par eux à la suite des opérations de remembrement menées dans la commune de Saint-Sauveur des Landes (Ille-et-Vilaine) à la suite de la construction de l'autoroute A 84 ; que M. et Mme X et l'EARL X-LEDOUX se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-26 du code rural : Lorsqu'un aménagement foncier est réalisé en application de l'article L. 123-24 du même code, les dispositions des articles L. 123-1 et L. 123-23 sont applicables. / Toutefois sont autorisées les dérogations aux dispositions de l'article L. 123-1 qui seraient rendues inévitables en raison de l'implantation de l'ouvrage et des caractéristiques de la voirie mise en place à la suite de sa réalisation. Les dommages qui peuvent en résulter pour certains propriétaires et qui sont constatés à l'achèvement des opérations d'aménagement foncier sont considérés comme des dommages de travaux publics ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du même code : Le remembrement (...) a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis (...). / Sauf accord des propriétaires et exploitants intéressés, le nouveau lotissement ne peut allonger la distance moyenne des terres au centre de l'exploitation principale, si ce n'est dans la mesure nécessaire au regroupement parcellaire ;

Considérant qu'il résulte des dispositions qui précèdent que, lorsqu'un remembrement est effectué en vue de la réalisation d'un grand ouvrage public et qu'il apparaît inévitable de déroger aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural, les propriétaires pour lesquels, du fait de ces dérogations, des préjudices subsistent au terme des opérations de remembrement sont fondés à demander au maître de l'ouvrage réparation des dommages résultant de ces opérations, constatés à l'issue de celles-ci, à titre de dommages de travaux publics ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite des opérations de remembrement menées dans la commune de Saint-Sauveur des Landes (Ille-et-Vilaine) et consécutives à la construction de l'autoroute A 84, l'exploitation d'élevage de M. et Mme X a été remembrée, la terre de pâturage dont ils disposaient à quelques centaines de mètres du centre de l'exploitation, accessible par un chemin privé, ayant été remplacée par une autre terre située de l'autre côté de la route départementale 135 ; que l'obligation de faire traverser à la plupart des animaux de l'élevage, plusieurs fois par jour, cette route ouverte à la circulation routière doit, compte tenu notamment des obligations que les dispositions de l'article R. 412-47 du code de la route font peser sur les conducteurs d'animaux, être regardée comme une aggravation des conditions d'exploitation de l'élevage et constitue, par suite, une dérogation aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural, du fait de laquelle un préjudice a subsisté pour M. et Mme X au terme du remembrement ; que, dès lors, en estimant que les conditions d'exploitation des parcelles en cause n'avaient pas été aggravées et que la commission départementale d'aménagement foncier n'avait pas dérogé aux prescriptions de l'article L. 123-1 du code rural en ce qui concerne le compte dans lequel elles étaient incluses, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les faits de l'espèce ; que M. et Mme X sont fondés à demander, pour ce motif, l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;

Sur les conclusions de la requête d'appel en tant qu'elles émanent de l'EARL X-LEDOUX :

Considérant que les seuls dommages dont l'article L. 123-26 du code rural prévoit l'indemnisation sont ceux subis par les propriétaires des biens concernés par les dérogations aux dispositions de l'article L. 123-1 du même code qu'il autorise ; que, par suite, les conclusions présentées en appel par l'EARL X-LEDOUX, exploitante de la propriété de M. et Mme X, et tendant à l'octroi d'une indemnité au titre de l'article L. 123-26 du code rural ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête d'appel en tant qu'elles émanent de M. et Mme X et sur l'appel incident du ministre de l'équipement, des transports et du logement :

Considérant que, du fait de la dérogation aux dispositions de l'article L. 123-1 du code rural que constitue l'aggravation des conditions d'exploitation de l'élevage de M. et Mme X, ceux-ci ont subi un dommage subsistant au terme des opérations de remembrement, dont ils sont fondés à demander réparation à l'Etat à titre de dommage de travaux publics ; qu'il suit de là que le ministre de l'équipement, des transports et du logement n'est pas fondé à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a, sur le fondement de ces dispositions, déclaré l'Etat responsable de ce dommage ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation du préjudice subi par M. et Mme X en l'évaluant à 100 000 francs (15 244,90 euros) ; qu'ainsi, ces derniers ne sont pas davantage fondés à demander la majoration de cette indemnité ; que tant leur appel que l'appel incident du ministre doivent, par suite être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros que M. et Mme X et l'EARL X-LEDOUX demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 17 juin 2003 est annulé.

Article 2 : La requête d'appel de M. et Mme X et de l'EARL X-LEDOUX et l'appel incident du ministre de l'équipement, des transports et du logement sont rejetés.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme X et à l'EARL X-LEDOUX en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X, à l'EARL X-LEDOUX et au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 7eme et 2eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 259808
Date de la décision : 05/10/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 oct. 2005, n° 259808
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Julien Boucher
Rapporteur public ?: M. Boulouis
Avocat(s) : SCP PARMENTIER, DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:259808.20051005
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