Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars et 29 juin 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur de la Sarl Inter ;Prévention, dont le siège social est situé ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 27 janvier 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 avril 2003 annulant, à la demande de la Sarl Inter ;Prévention, la décision du 3 avril 2002 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité retirant la décision du 22 octobre 2001 de l'inspecteur du travail et refusant l'autorisation de licencier M. X... ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le décret n° 2001 ;532 du 20 juin 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Struillou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la SOCIETE SOINNE ET ASSOCIES et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Anne-Françoise Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur de la Sarl Inter ;Prévention, se pourvoit contre l'arrêt du 27 janvier 2004 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement du tribunal administratif de Lille du 24 avril 2003 annulant la décision du 3 avril 2002 du ministre du travail retirant la décision de l'inspecteur du travail du 22 octobre 2001 autorisant la Sarl Inter ;Prévention à licencier M. X..., salarié protégé, et rejetant la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur ;
Sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la cour quant à la tardiveté du retrait opéré par le ministre du travail :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 436 ;6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 20 juin 2001 : Le ministre compétent peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que le salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. / Ce recours doit être introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet (…) ;
Considérant que, sous réserve de dispositions législatives et réglementaires contraires, et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle explicite créatrice de droit, si elle est entachée d'illégalité, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ; que sont au nombre des dispositions réglementaires contraires celles prévues par l'article R. 436 ;6 du code du travail, dans sa rédaction issue du décret du 20 juin 2001, en vertu desquelles le ministre, saisi d'un recours hiérarchique dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de l'inspecteur du travail, dispose d'un délai de quatre mois pour statuer, son silence à l'expiration de ce délai valant rejet du recours ; qu'il suit de là que la cour administrative d'appel de Douai n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le ministre chargé du travail, saisi le 4 décembre 2001 d'un recours hiérarchique dirigé contre la décision du 22 octobre 2001, par laquelle l'inspecteur du travail avait accordé à la Sarl Inter ;Prévention l'autorisation de licencier M. X..., avait pu légalement, par sa décision du 3 avril 2002, retirer cette autorisation ;
Sur le moyen relatif à l'appréciation portée par la cour administrative d'appel sur la régularité de l'entretien préalable à la demande d'autorisation de licenciement :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122 ;14 du code du travail : L'employeur, ou son représentant qui envisage de licencier un salarié doit, avant toute décision convoquer l'intéressé par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge en lui indiquant l'objet de la convocation. (…). Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / (…) / Les dispositions des alinéas qui précèdent ne sont pas applicables en cas de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une même période de trente jours lorsqu'il existe un comité d'entreprise ou des délégués du personnel dans l'entreprise ; qu'aux termes de l'article R. 436 ;1 du même code : L'entretien prévu à l'article L. 122 ;14 précède la consultation du comité d'entreprise en application soit de l'article L. 421 ;1, soit de l'article L. 436 ;1 (…) ; qu'en vertu de l'article L. 122 ;14 ;7, les règles édictées par l'article L. 122 ;14 ne dérogent pas aux dispositions législatives ou réglementaires qui assurent une protection particulière à certains salariés ; qu'il résulte ainsi de la combinaison des dispositions des articles L. 122 ;14 ;7 et R. 436 ;1 que la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur doit toujours être précédée de la convocation à un entretien préalable du salarié bénéficiant d'une protection particulière, alors même que le licenciement de l'intéressé est envisagé dans une entreprise disposant d'un comité d'entreprise, dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique de dix salariés et plus dans une même période de trente jours ;
Considérant que la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de droit, juger que, dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 122 ;2 ;1 du code du travail qui prévoient que la lettre prévue à l'article L. 122 ;14 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur, la convocation à l'entretien préalable adressée par son employeur à M. X... ne précisait pas le lieu où devait se tenir l'entretien, le salarié ne pouvait être regardé comme ayant été régulièrement convoqué à cet entretien ; que la cour, sans dénaturer les pièces du dossier, a jugé que cet entretien n'avait pas eu lieu ; qu'elle a pu déduire de ces circonstances de fait et de droit que le ministre était fondé, pour ces motifs, à annuler l'autorisation de licenciement accordée à la Sarl Inter ;Prévention par l'inspecteur du travail ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur de la Sarl Inter ;Prévention, n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, lequel est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES, en sa qualité de liquidateur de la Sarl Inter ;Prévention, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES la somme de 3 000 euros demandée au même titre par la SCP L. Parmentier ;H. Didier en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES en sa qualité de liquidateur de la Sarl Inter ;Prévention est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE SOINNE et ASSOCIES versera la somme de 3 000 euros à la SCP L. Parmentier ;H. Didier en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SOINNE et ASSOCIES, à M. Emery ;Patrice X... et au ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.