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21/09/2005 | FRANCE | N°274128

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 21 septembre 2005, 274128


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 7 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Walid X... A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la co

nvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu...

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE L'HERAULT ; le PREFET DE L'HERAULT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 7 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de Walid X... A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français au-delà d'un délai d'un mois à compter de la notification de la décision du 29 juillet 2004 par laquelle le PREFET DE L'HERAULT a refusé son admission au séjour et l'a invité à quitter le territoire ; qu'ainsi M. A se trouvait dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 22 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant que M. A, alors âgé de dix-huit ans, est entré en France le 19 septembre 2003 et est hébergé depuis cette date chez sa tante ; qu'il soutient qu'il a été élevé par celle-ci, qui doit être regardée comme sa mère adoptive et qui est sa tutrice légale, en vertu d'un acte de recueil légal, dit kafala ; qu'il a poursuivi sa scolarité en 2003-2004 à Montpellier, qu'il bénéficie désormais d'un contrat d'apprentissage et que toutes ses attaches se trouvent en France ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des écritures mêmes de l'intéressé que sa tante vit en France depuis 1994, que l'acte de recueil légal dont il fait état n'a été établi que le 22 août 2004 et que ses parents biologiques et ses frères et soeurs résident toujours en Algérie ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment à la faible durée de la résidence sur le territoire français de M. A, qui n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il suit de là que le PREFET DE L'HERAULT est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur ce motif pour annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté attaqué ;

Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. A comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de ce qu'il serait motivé de façon sommaire et stéréotypée doit être ainsi écarté ;

Considérant que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans le pays d'origine est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'HERAULT est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que les conclusions présentées par M. A devant le tribunal administratif doivent être regardées comme étant également dirigées contre la décision fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut-être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient que le PREFET DE L'HERAULT aurait méconnu les droits de la défense en ne le mettant pas à même de formuler des observations sur les risques auxquels il serait exposé en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi nº 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : (...) 3º Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, et notamment des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ce recours et fixent les délais dans lesquels le recours doit être présenté et jugé, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet d'un tel recours ; que, par suite, M. A ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant que l'intéressé n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées ou qu'il serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la demande de M. A dirigées contre la décision fixant l'Algérie comme pays de destination doivent être rejetées ;

Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. A devant le Conseil d'Etat, tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A devant le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE L'HERAULT, à M. Y... Mohammed A et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 274128
Date de la décision : 21/09/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2005, n° 274128
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Olivier Henrard
Rapporteur public ?: M. Guyomar

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:274128.20050921
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