La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/08/2005 | FRANCE | N°259362

France | France, Conseil d'État, 9eme et 10eme sous-sections reunies, 10 août 2005, 259362


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monique X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement en date du 16 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 29 juillet 1998 du directeur général de la comptabilité publique en tant qu'elle n'accordait à Mme X... que la remis

e gracieuse partielle des sommes lui étaient réclamées en tant qu'hériti...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 août et 11 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Monique X..., demeurant ... ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 10 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement en date du 16 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 29 juillet 1998 du directeur général de la comptabilité publique en tant qu'elle n'accordait à Mme X... que la remise gracieuse partielle des sommes lui étaient réclamées en tant qu'héritière de son époux décédé, à raison de la pénalité fiscale visée à l'article 1763 A du code général des impôts et, d'autre part, prononcé un non lieu à statuer sur le recours en annulation du jugement en date du 18 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait ordonné qu'il soit sursis à l'exécution de ladite décision ;

2°) statuant au fond, d'annuler la décision prise le 29 juillet 1998 par le directeur général de la comptabilité publique en tant qu'elle ne lui accorde que la remise gracieuse partielle des sommes qui lui sont réclamées au titre de la pénalité fiscale visée à l'article 1763 A du code général des impôts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 488 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mlle Emmanuelle Cortot, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X...,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA SEEB, alors présidée et dirigée par M. Y, a été soumise, à raison des distributions occultes de bénéfices auxquelles elle avait procédé au cours des années 1987 et 1988, à la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts ; qu'à ce titre, un commandement de payer la somme de 4 544 900 F a été notifié le 14 octobre 1991 à M. Y, en sa qualité de dirigeant solidairement responsable du paiement de cette pénalité ; qu'à la suite du décès de M. Y, survenu le 17 mars 1992, le trésorier du Chesnay a décerné à Mme X..., veuve et unique héritière de M. Y, un commandement de payer la somme susmentionnée de 4 544 900 F, qui a été notifié à l'intéressée le 5 octobre 1995 ; que le 24 octobre 1995, Mme X... a saisi le directeur général de la comptabilité publique d'une demande tendant à la décharge gracieuse de la somme dont le paiement lui était demandé ; que par une décision en date du 29 juillet 1998, le directeur général de la comptabilité publique a accordé à Mme X... une remise de 2 544 900 F, maintenant à sa charge une somme de 2 000 000 F ; que Mme X... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 juin 2003 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, annulé le jugement du 16 décembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait annulé la décision du 29 juillet 1998 en tant qu'elle n'accordait à Mme X... que la remise gracieuse partielle de la somme demandée par le trésorier du Chesnay au titre de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts et, d'autre part, prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 18 juin 1999 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait ordonné qu'il soit sursis à l'exécution de ladite décision ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1763 A du code général des impôts : Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont (…) elles ne révèlent pas l'identité sont soumises à une pénalité (…). / Les dirigeants sociaux (…) de la société à la date du versement ou, à défaut de connaissance de cette date, à la date de déclaration des résultats de l'exercice au cours duquel les versements ont eu lieu, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité (…) ; qu'aux termes de l'article 877 du code civil : Les titres exécutoires contre le défunt sont pareillement exécutoires contre l'héritier personnellement (…) ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : L'administration peut également décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers (…) ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration demande à l'unique héritier d'un contribuable tenu, avant son décès, au paiement d'une imposition due pour le compte d'un tiers, le paiement de cette imposition, l'héritier peut, si la décision de l'administration, saisie sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales d'une demande gracieuse tendant à la remise des sommes mises à sa charge ne lui donne pas entièrement satisfaction, contester cette décision devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant, en premier lieu, qu'au soutien de la contestation d'une décision prise à titre gracieux, le débiteur solidaire de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts, et par suite ses héritiers, ne peuvent utilement invoquer, ni des moyens mettant en cause le bien ;fondé des impositions ou pénalités auxquelles a été assujetti le débiteur principal, ni des moyens touchant à la régularité des poursuites engagées par l'administration en vue de recouvrer les sommes restant à payer ; qu'ainsi, en estimant irrecevable le moyen tiré de l'irrégularité des commandements de payer adressés à M. Y, puis à Mme X..., la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'au soutien d'une telle contestation, le débiteur solidaire de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts, et par suite ses héritiers, ne peuvent non plus utilement soulever de moyens tendant à contester l'existence ou l'étendue de l'obligation solidaire, dès lors qu'à la date de leur demande gracieuse, des poursuites ont déjà été engagées à leur encontre ; qu'ainsi, après avoir constaté qu'à la date du 24 octobre 1995 où Mme X... a saisi le directeur général de la comptabilité publique d'une demande gracieuse, un commandement de payer avait déjà été émis à son encontre par le trésorier du Chesnay au titre de la même somme, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger irrecevable le moyen tiré de ce que Mme X... ne pourrait être regardée comme solidairement responsable du paiement de la pénalité mise à sa charge en application de l'article 1763 A du code général des impôts ; qu'il suit de là que, sans même examiner le moyen tiré de ce que la mise à la charge de Mme X... de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts aurait méconnu le principe de personnalité des délits et des peines et les stipulations des articles 6 et 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, estimer que l'engagement de la responsabilité de Mme X... dans le paiement de la pénalité visée à l'article 1763 A du code général des impôts ne pouvait être utilement contesté devant le juge de l'excès de pouvoir statuant sur une décision rendue à titre gracieux ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en estimant que, compte tenu des revenus de Mme X... et de la valeur de son patrimoine, la décision du 29 juillet 1998 par laquelle le directeur général de la comptabilité publique a maintenu à sa charge la somme de 2 000 000 de F n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme X... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Monique X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 9eme et 10eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 259362
Date de la décision : 10/08/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-05-02-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. - GÉNÉRALITÉS. - RECOUVREMENT. - PAIEMENT DE L'IMPÔT. - AUTRES QUESTIONS RELATIVES AU PAIEMENT DE L'IMPÔT. - DÉCÈS DU CONTRIBUABLE TENU SOLIDAIREMENT AU PAIEMENT D'UN IMPÔT - POSSIBILITÉ DE CONTESTATION PAR L'HÉRITIER (ART. 877 DU CODE CIVIL ET ART. L. 247 DU LPF).

19-01-05-02-03 Il résulte des dispositions de l'article 877 du code civil et de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales que lorsque l'administration demande à l'unique héritier d'un contribuable tenu, avant son décès, au paiement d'une imposition due pour le compte d'un tiers, le paiement de cette imposition, l'héritier peut, si la décision de l'administration, saisie sur le fondement du deuxième alinéa de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales d'une demande gracieuse tendant à la remise des sommes mises à sa charge ne lui donne pas entièrement satisfaction, contester cette décision devant le juge de l'excès de pouvoir.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 aoû. 2005, n° 259362
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Hagelsteen
Rapporteur ?: Mlle Emmanuelle Cortot
Rapporteur public ?: M. Vallée
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:259362.20050810
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award