Vu la requête, enregistrée le 24 février 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la SOCIETE ARBED, dont le siège est ... ; la SOCIETE ARBED demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2003-1264 du 23 décembre 2003 pris pour l'application au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ou tout au moins l'article 23 de ce décret ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code minier ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le décret n° 95-427 du 19 avril 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Schrameck, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue des conclusions de la requête :
Considérant que si la SOCIETE ARBED, concessionnaire de titres miniers, déclare former un recours contre l'ensemble des dispositions du décret du 23 décembre 2003, sa requête ne met en cause que son article 23 en tant qu'il définit, en application de la loi du 12 avril 2000, le délai au terme duquel est implicitement rejetée la demande présentée par le bénéficiaire d'un titre minier ; que ses conclusions doivent dès lors être regardées comme dirigées contre ce seul article 23 ;
Sur la légalité externe :
Considérant en premier lieu que le moyen tiré de ce que les organismes consultés en vue de l'édiction du décret attaqué auraient été irrégulièrement composés et auraient statué sans que le quorum soit atteint n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien fondé ;
Considérant en deuxième lieu qu'il ressort des pièces du dossier que le projet dont ont respectivement été saisis, le 8 août 2002 et le 2 octobre 2002, le conseil général des mines et la mission interministérielle de l'eau mentionnait, contrairement aux allégations de la société requérante, le délai de dix-huit mois pour faire naître une décision implicite de rejet d'une demande de renonciation à un titre minier, fixé dans l'article 23 du texte publié ; que dès lors le moyen tiré de ce que la consultation de ces organismes n'aurait pas porté sur un tel délai manque en fait ;
Considérant en troisième lieu que la publication de ce texte un peu moins d'un an après la consultation préalable des organismes mentionnés ci-dessus, alors qu'aucun changement dans les circonstances de fait et de droit n'est intervenu, ne peut être regardée comme de nature à avoir altéré la régularité de la procédure à la suite de laquelle ce décret a été pris ;
Sur la légalité interne :
Considérant que l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 a rappelé le principe selon lequel le silence gardé sur une demande par l'administration vaut décision implicite de rejet tout en fixant à deux mois la durée du délai à l'issue duquel la décision est réputée avoir été prise et en réservant les cas où un régime d'acceptation implicite est fixé, en application de l'article 22 de la loi, par décret en Conseil d'Etat ; que le même article a toutefois prévu que lorsque la complexité ou l'urgence de la procédure le justifie, des décrets en Conseil d'Etat prévoient un délai différent ;
Considérant d'une part qu'en décidant, par l'article 23 du décret du 23 décembre 2003, d'appliquer le principe général de la décision implicite de rejet à la procédure de renonciation totale ou partielle à une autorisation d'exploitation de titres miniers, les auteurs de ce décret n'ont pas commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de la prise en compte des intérêts publics et privés en cause ;
Considérant d'autre part que la renonciation à une autorisation d'exploitation minière, prévue par l'article 68-5 du code minier, est soumise aux dispositions combinées des articles 79, 91 et 93 du même code qui, avant que la renonciation puisse acquérir un caractère définitif, mettent à la charge de l'exploitant l'obligation de prévoir toutes mesures destinées à préserver les intérêts liés à la sécurité et à la salubrité publique, aux contraintes du milieu environnant, à la solidité des édifices publics et privés, à la conservation des voies de communication et aux intérêts de l'archéologie, de la protection de la nature et des intérêts agricoles des sites et lieux affectés par les travaux et installations afférents à l'exploitation ; qu'en vertu de l'article 93 du code minier, la fin de la validité du titre minier emporte transfert à l'Etat de la surveillance et de la prévention des risques importants d'affaissement de terrain ou d'accumulation de gaz dangereux, transfert qui ne peut, aux termes de la même disposition, intervenir qu'après que l'exploitant a, notamment, transmis à l'Etat les équipements, études et données nécessaires à l'accomplissement de missions de surveillance et de prévention ; que l'ensemble de ce dispositif met à la charge de l'Etat le contrôle de l'exécution des travaux, ou, en cas de défaillance de l'exploitant, leur exécution ; que les obligations ci-dessus mentionnées, mises par les textes à la charge de l'exploitant qui entend renoncer à l'autorisation d'exploitation d'un titre minier imposent des procédures, fixées aux articles 26, 27 et 34 du décret du 19 avril 1995, qui prévoient que le préfet donne acte à l'exploitant de ce qu'il a réalisé les travaux rendus nécessaires par les dispositions ci-dessus rappelées du code minier ; que la renonciation n'est acceptée par le ministre qu'après que l'autorité administrative a en outre, au vu de la déclaration d'arrêt des travaux et après consultation des conseils municipaux des communes intéressées et de l'exploitant, prescrit toute mesure complémentaire à exécuter et, en cas de défaut d'exécution, les a fait exécuter d'office aux frais de l'exploitant ; que c'est dès lors à bon droit que le pouvoir réglementaire a estimé que la complexité de la procédure de renonciation à un titre minier justifiait que soit fixé à dix-huit mois le délai d'intervention d'une décision implicite de rejet ; que la société requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en prévoyant ce délai le décret attaqué aurait fait une inexacte application de la loi du 12 avril 2000 ;
Considérant que si la société requérante soutient que la disposition attaquée a été prise en violation tant du principe de liberté du commerce et de l'industrie que du droit de propriété garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les restrictions apportées à l'exercice de ces libertés, qui n'excèdent pas les besoins de l'intérêt général, ne sauraient en tout état de cause porter une atteinte excessive aux principes invoqués ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ARBED n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 23 du décret attaqué ;
Sur les conclusions de la SOCIETE ARBED tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SOCIETE ARBED au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SOCIETE ARBED est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ARBED, au Premier ministre, au ministre de la fonction publique, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au ministre de l'écologie et du développement durable, au ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et au ministre de la santé et des solidarités.