Vu 1°) sous le n° 263302, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 6 janvier et 6 mai 2004, présentés pour M. Lucien Z demeurant ... ; M. Z demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêt en date du 6 novembre 2003 de la Cour des comptes par lequel celle-ci a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement en date du 6 décembre 2002 par lequel la chambre régionale des comptes l'a déclaré comptable de fait des deniers du département des Bouches-du-Rhône pour les opérations effectuées par l'association « Office de communication et d'information départemental » du 22 mai 1990 au 17 février 1994 à hauteur des subventions versées par le département et lui a ordonné de produire, dans un délai de trois mois, un compte unique des opérations de la gestion de fait, accompagné des pièces justificatives et assorti d'une reconnaissance de l'utilité publique des dépenses par l'assemblée délibérante et, d'autre part, a confirmé ce jugement ;
2°) de juger que M. Z n'a commis aucune gestion de fait ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
Vu 2°) sous le n° 263351, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 8 janvier et 10 mai 2004, présentés pour M. François Y demeurant ... ; M. Y demande au Conseil d'Etat :
1°) l'annulation de l'arrêt en date du 6 novembre 2003 de la Cour des comptes par lequel celle-ci a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement en date du 6 décembre 2002 par lequel la chambre régionale des comptes l'a déclaré comptable de fait des deniers du département des Bouches-du-Rhône pour les opérations effectuées par l'association « Office de communication et d'information départemental » du 22 mai 1990 au 17 février 1994 à hauteur des subventions versées par le département et lui a ordonné de produire, dans un délai de trois mois, un compte unique des opérations de la gestion de fait, accompagné des pièces justificatives et assorti d'une reconnaissance de l'utilité publique des dépenses par l'assemblée délibérante et, d'autre part, a confirmé ce jugement ;
2°) de juger que M. Y n'a commis aucune gestion de fait ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Schrameck, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Carbonnier, avocat de M. Z et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Y,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Z et M. Y demandent l'annulation du même arrêt de la Cour des comptes en date du 6 novembre 2003 rejetant leurs requêtes à l'encontre d'un jugement de la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 6 décembre 2002 par lequel ils ont été déclarés définitivement comptables de fait des deniers du département des Bouches-du-Rhône à raison de l'extraction irrégulière de fonds du département au moyen de subventions versées à l'association dénommée « Office de communication et d'information départemental » ; qu'il convient de joindre leurs deux requêtes pour statuer par une seule décision ;
Considérant que le juge des comptes, lorsqu'il prononce la gestion de fait puis fixe la ligne de compte de cette gestion de fait et met le comptable en débet, tranche, à chaque étape de cette procédure, des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil au sens de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les stipulations de cet article sont, par suite, applicables à ces procédures ;
Considérant, en premier lieu, que ces stipulations, non plus qu'aucune disposition de nature législative ou réglementaire, ne font obstacle, ni en vertu du principe d'impartialité ni en vertu de la présomption d'innocence, à ce que la Cour se prononce une seconde fois par la voie de l'appel sur un jugement de la chambre régionale des comptes, après l'annulation d'un premier jugement, dans une formation comprenant des magistrats ayant déjà statué sur ce premier jugement ; que de même, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires fixant les conditions dans lesquelles il doit être statué après l'annulation d'une décision de justice, ni le devoir d'impartialité s'imposant à toute juridiction, qui est rappelé par l'article 6 § 1 de la convention, ni aucune autre règle générale de procédure ne s'oppose à ce que des juges dont une décision a été annulée délibèrent à nouveau sur l'affaire en la même qualité ; que si M. Y fait grief à la chambre de n'avoir pas procédé à une nouvelle instruction, il ressort des pièces du dossier que ce moyen manque en fait ; que le moyen tiré de ce que le second jugement n'avait pas, à la différence du premier, reconnu d'autres personnes que les requérants comme gestionnaires de fait est inopérant et par suite, a été rejeté à bon droit par la Cour sans qu'il puisse être fait grief à celle-ci d'une insuffisance de motivation ; qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la chambre aurait préalablement évoqué l'affaire dans des observations publiques en relevant des irrégularités, manque en fait ;
Considérant, en second lieu, que les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas eu communication préalable du rapport présenté par le rapporteur devant la chambre régionale des comptes et devant la Cour des comptes et qu'ainsi, le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu ; que, toutefois, le rapporteur de l'affaire devant la chambre régionale des comptes ou devant la Cour des comptes est membre de la juridiction, participe à l'exercice même de la fonction de juger et n'a exercé, en l'espèce, aucun pouvoir propre distinct de ceux de la formation de jugement ; que, dès lors, alors même que, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 2 décembre 2001, il ne participe pas au délibéré précédé d'une audience publique, son rapport n'a pas à être communiqué au requérant avant cette séance ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent MM. Z et Y, la Cour des comptes a pu juger, sans commettre d'erreur de droit, que la procédure suivie devant la chambre régionale des comptes a été régulière ; que, de même et contrairement à ce que soutient M. Y, la procédure suivie devant la Cour des comptes n'est entachée d'aucune irrégularité ;
Considérant, enfin, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'Office de communication et d'information a été créé en toute connaissance de cause par les deux requérants pour gérer des crédits du département affectés, sous forme de subventions, à l'information et à la communication ; qu'il ne disposait quasiment pas d'autres ressources ; qu'en particulier, M. Z président du conseil général et président de l'office a connu de toutes les procédures de création et de financement de l'office ; que ce dernier formellement constitué par les membres de la commission communication du conseil général ainsi qu'à l'origine par le directeur général des services, a été, en réalité, dirigé directement par cette commission dont M. Y était le président tout en portant le titre de président délégué de l'office ; que la circonstance que M. Z ait pris l'initiative de dissoudre ultérieurement l'office n'est pas de nature à le faire échapper à la déclaration de gestion de fait de celui-ci ; que, dès lors, la Cour n'a commis ni dénaturation des faits de la cause, ni erreur de droit en confirmant cette déclaration par un arrêt suffisamment motivé ; qu'enfin, le moyen invoqué tiré de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti des précisions qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. Z la somme de 3 000 euros qu'il réclame au titre des sommes exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de M . Z et de M. Y sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Lucien Z, à M. François Y, au département des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Une copie de la présente décision sera adressée au procureur général près la Cour des comptes.