La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2005 | FRANCE | N°263788

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 08 juin 2005, 263788


Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 14 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Samia A épouse B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu

l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 d...

Vu la requête, enregistrée le 22 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 14 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme Samia A épouse B ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Didier Casas, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : Le représentant de l'Etat dans le département et à Paris, le préfet de police peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B, ressortissante algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification du refus de titre de séjour qui lui a été opposé par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE le 19 février 2003 ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que par suite c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur l'absence de base légale de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme B pour annuler cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ... Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure ... nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales ;

Considérant que si Mme B fait valoir qu'elle vit avec son époux en France depuis mars 2001 et qu'ils ont eu un enfant le 15 juin 2002, il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, du caractère également irrégulier du séjour de son époux et des attaches familiales du couple dans son pays d'origine, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit au respect de la vie familiale de l'intéressée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est aussi fondé sur la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le tribunal administratif de Paris par Mme B ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Pierre-André Peyvel, secrétaire général de la préfecture des Hauts-de-Seine, qui a signé le 2 septembre 2003 l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mme B, avait reçu du préfet des Hauts-de-Seine, par arrêté du 2 juin 2003 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, délégation de signature à l'effet de signer tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant de la compétence de l'Etat dans le département ... ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière aurait été signé par une autorité incompétente doit dès lors être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué mentionne les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision ; que, par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que Mme B excipe de l'illégalité de la décision du ministre de l'intérieur en date du 2 janvier 2003 rejetant sa demande d'asile territorial, sur laquelle est fondée la décision du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE lui refusant un titre de séjour ; que si Mme B conteste la régularité de l'avis du ministre des affaires étrangères, il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'avis du ministre des affaires étrangères a été recueilli le 29 novembre 2002, soit postérieurement à la demande de l'intéressée, et a été signé par Mme Sekutowicz-Le Brigant, chef du bureau de l'asile territorial au ministère des affaires étrangères, qui avait reçu délégation de signature à cette fin par un décret en date du 12 septembre 2001 publié au Journal officiel de la République française le 13 septembre 2001 ; qu'ainsi Mme B n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision rejetant sa demande d'asile territorial ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que la notification de l'arrêté de reconduite à la frontière prévoit que l'intéressée pourra être reconduite notamment dans le pays dont elle a la nationalité ; que la décision doit, par suite, être regardée comme ayant fixé l'Algérie comme pays de destination ; que cette décision a été signée par M. Peyvel qui, ainsi qu'il l'a été jugé ci-dessus, avait reçu régulièrement délégation de signature à cette fin ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que si Mme B fait état des risques pour sa vie qu'elle encourrait en cas de retour en Algérie, elle ne produit aucune justification des risques auxquels elle serait personnellement soumise ; que dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 2 septembre 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme B ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes que Mme B demande au titre des frais exposés par elle en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 14 novembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES HAUTS-DE-SEINE, à Mme Samia A épouse B et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 263788
Date de la décision : 08/06/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 08 jui. 2005, n° 263788
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Delarue
Rapporteur ?: Mme Nathalie Escaut
Rapporteur public ?: M. Casas Didier

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:263788.20050608
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award