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20/04/2005 | FRANCE | N°265120

France | France, Conseil d'État, 1ere et 6eme sous-sections reunies, 20 avril 2005, 265120


Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE, dont le siège est 20, cours Vitton à Lyon (69006), en vertu du vote du conseil d'administration lors de la séance du 28 février 2004 ; l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2003 ;1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales en tant qu'il institue et définit à son article 20 ;I les modalités

d'application d'un coefficient de minoration de 1,25 % par trimes...

Vu la requête, enregistrée le 1er mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE, dont le siège est 20, cours Vitton à Lyon (69006), en vertu du vote du conseil d'administration lors de la séance du 28 février 2004 ; l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 2003 ;1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales en tant qu'il institue et définit à son article 20 ;I les modalités d'application d'un coefficient de minoration de 1,25 % par trimestre qui s'applique au montant de la pension liquidée lorsque la durée d'assurance est inférieure à 160 trimestres ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée le 23 février 2005 par l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE ;

Vu la Constitution ;

Vu le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne et les protocoles qui y sont annexés ;

Vu le convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Lamy, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non ;recevoir opposée par le ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat :

Considérant qu'en vertu du I de l'article 20 du décret du 26 décembre 2003, un coefficient de minoration de 1,25 % par trimestre s'applique au montant de la pension liquidée lorsque la durée d'assurance est inférieure au nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum de la pension fixé, par l'article 16, à 75 % du traitement mentionné à l'article 17 ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire :

Considérant que ce coefficient de minoration a été institué par l'article 51 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, rendu applicable, en vertu de l'article 40, aux fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales « dans des conditions déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat » ; que le décret attaqué a été pris sur le fondement de ces dispositions ; qu'ainsi, le moyen selon lequel il empiéterait sur la compétence du législateur en ce qu'il prévoit ce coefficient ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des principes de non ;rétroactivité, de sécurité juridique et de confiance légitime :

Considérant que l'article 20 ;I ne s'applique qu'aux pensions liquidées à compter de l'entrée en vigueur du décret du 26 décembre 2003, fixée par son article 67 au 1er janvier 2004 ; qu'ainsi, alors même qu'il s'applique aux pensions d'agents entrés en fonction antérieurement à cette date, il ne présente pas un caractère rétroactif ; qu'il suit de là que les moyens tirés de ce que le décret méconnaîtrait les principes de sécurité juridique et de confiance légitime du fait de son caractère rétroactif doivent, en tout état de cause, être écartés ;

Sur le moyen tiré de la violation du principe d'égalité :

Considérant que le coefficient litigieux résulte de la loi ; qu'il n'appartient pas au Conseil d'Etat statuant au contentieux d'en apprécier la constitutionnalité ;

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne :

Considérant que l'article 141 du traité stipule : « 1. Chaque Etat membre assure l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur./2. Aux fins du présent article, on entend par rémunération le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum, et tous autres avantages payés directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au travailleur en raison de l'emploi de ce dernier./ L'égalité de rémunération, sans discrimination fondée sur le sexe, implique :/a) que la rémunération accordée pour un même travail payé à la tâche soit établie sur la base d'une même unité de mesure ;/b) que la rémunération accordée pour un travail payé au temps soit la même pour un même poste de travail » ; que, cependant, l'article 6 de l'accord annexé au protocole n° 14 sur la politique sociale joint au traité sur l'Union européenne, après avoir rappelé les règles fixées par l'article 141 du traité, précise en son paragraphe 3 que : « Le présent article ne peut empêcher un Etat membre de maintenir ou d'adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l'exercice d'une activité professionnelle par les femmes ou à prévenir ou compenser des désavantages dans leur carrière professionnelle » ;

Considérant que ces stipulations s'opposent non seulement à l'application des dispositions qui établissent des discriminations directement fondées sur le sexe mais également à l'application des dispositions qui aboutissent en fait à des différences de traitement entre travailleurs féminins et travailleurs masculins en application de critères non fondés sur le sexe, dès lors que ces différences de traitement ne peuvent s'expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe ;

Considérant, d'une part, que ni les dispositions de l'article 51 de la loi du 21 août 2003, qui créent le coefficient de minoration, ni celles du décret du 26 décembre 2003 dont l'association requérante demande l'annulation n'opèrent de distinction suivant le sexe des agents ;

Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le coefficient de minoration litigieux affecterait un pourcentage considérablement plus important de fonctionnaires féminins que de fonctionnaires masculins ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, combinées avec celles de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente convention » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international./ Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes » ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci ;dessus que ces stipulations, dans le champ desquelles entrent les pensions des fonctionnaires, ne sont pas méconnues ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES FAMILLES EN EUROPE, au Premier ministre, au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales et au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 1ere et 6eme sous-sections reunies
Numéro d'arrêt : 265120
Date de la décision : 20/04/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 20 avr. 2005, n° 265120
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Francis Lamy
Rapporteur public ?: M. Devys

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2005:265120.20050420
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