Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES (ONIC), dont le siège est ... ; l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 5 novembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de la Compagnie continentale France, d'une part, annulé le jugement du 29 octobre 1997 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande d'annulation du titre exécutoire émis le 4 décembre 1995 par le directeur de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES et la décision précitée du 4 décembre 1995 et, d'autre part, accordé à la Compagnie continentale France décharge de la somme de 10 545,01 euros mise à sa charge par ladite décision ;
2°) statuant au fond, de rejeter la requête formée par la Compagnie continentale France devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la Compagnie continentale France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Gilles Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vincent, Ohl, avocat de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES et de la SCP Defrenois, Levis, avocat de la Compagnie continentale France,
- les conclusions de M. François Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un titre exécutoire du 13 décembre 1995, l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES a demandé à la Compagnie continentale France le reversement d'une somme de 69 171,70 F représentant le remboursement de restitutions à l'exportation différenciées qu'il estimait indûment octroyées à l'occasion d'une opération d'exportation de blé dur effectuée en 1991 vers la Mauritanie, en se fondant sur un procès-verbal établi le 17 octobre 1994 par la Direction générale des douanes et des droits indirects faisant apparaître que 55 tonnes ne seraient pas parvenues à destination ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987, dans sa rédaction applicable aux exportations en litige : Sans préjudice des articles 5 et 16, le paiement de la restitution est subordonné à la production de la preuve que les produits pour lesquels la déclaration d'exportation a été acceptée, ont, au plus tard dans un délai de soixante jours à compter de cette acceptation, quitté en l'état le territoire douanier de la communauté (...) ; que le 1 de l'article 5 du même règlement prévoit que Le paiement de la restitution différenciée ou non différenciée est subordonné, en sus de la condition que le produit ait quitté le territoire douanier de la Communauté, à la condition que le produit ait été, sauf s'il a péri en cours de transport par suite d'un cas de force majeure, importé dans un pays tiers (...) a) lorsque des doutes sérieux existent quant à la destination réelle du produit ou b) lorsque le produit est susceptible d'être réintroduit dans la Communauté par suite de la différence entre le montant de la restitution applicable au produit exporté et le montant des droits à l'importation applicables à un produit identique à la date d'acceptation de la déclaration d'exportation (...) Les dispositions de l'article 17 paragraphe 3 et de l'article 18 sont applicables dans les cas visés au premier alinéa. (...) En outre, les services compétents des Etats membres peuvent exiger des preuves supplémentaires de nature à démontrer à la satisfaction des autorités compétentes que le produit a été effectivement mis en l'état sur le marché du pays tiers d'importation ; que selon l'article 16 du même texte : 1- Dans le cas de différenciation du taux de la restitution selon la destination, le paiement de la restitution est subordonné aux conditions supplémentaires définies aux articles 17 et 18 (...) ; qu'aux termes de l'article 17 : 3- Le produit est considéré comme importé lorsque les formalités douanières de mise à la consommation dans le pays tiers ont été accomplies ; qu'aux termes de l'article 18 : 1- La preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation est apportée : a) par la production du document douanier (...) ou b) par la production du certificat de dédouanement (...) ou c) par la production de tout autre document visé par les services douaniers du pays tiers concerné (...). 2- Toutefois, si aucun des documents visés au paragraphe 1 ne peut être produit (...) ou s'ils sont considérés comme insuffisants, la preuve de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation peut être considérée comme apportée par la production de l'un ou de plusieurs des documents suivants : (...) b) attestation de déchargement délivrée par un service officiel d'un des Etats membres établis dans, ou compétent pour, le pays de destination (...) ; qu'aux termes de l'article 20 du même règlement : 1- Par dérogation à l'article 16 et sans préjudice de l'article 5, une partie de la restitution est payée dès que la preuve est apportée que le produit a quitté le territoire douanier de la communauté ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, dans l'interprétation que leur donne la Cour de justice des communautés européennes, notamment par sa décision C110/99 Emsland-Stärke GmbH contre Hauptzollamt Hamburg-Jonas du 14 décembre 2000, que l'exigence de preuves supplémentaires de nature à démontrer que le produit est effectivement mis en l'état sur le marché du pays tiers d'importation, prévue par l'article 5-1, peut être mise en oeuvre seulement avant le paiement au bénéficiaire de la restitution à l'exportation, sans qu'il y ait lieu de retenir une solution différente selon que le régime de cette restitution est à taux différencié ou non ; que, toutefois, la restitution peut être regardée comme non due et doit être remboursée par le bénéficiaire si les organismes d'intervention compétents constatent que l'opération d'exportation est constitutive d'une pratique abusive résultant de la volonté de bénéficier d'un avantage tiré de l'application de la réglementation communautaire en créant artificiellement les conditions pour son obtention ;
Considérant, par suite, qu'en jugeant, après avoir relevé que la Compagnie continentale France remplissait, à la date de l'exportation, toutes les conditions formelles d'octroi des restitutions à l'exportation différenciées auxquelles elle prétendait au regard des dispositions précitées des articles 4, 16, 17 et 18 du règlement n° 3665/87, notamment par la production du certificat de mise à la consommation dressé par les autorités douanières mauritaniennes pour une quantité de 250 tonnes de blé dur, que l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES ne pouvait, sauf dans l'hypothèse d'un abus de droit, réclamer à cette société le remboursement d'une partie des restitutions qui lui avaient été payées en invoquant des doutes sérieux quant à la destination finale effective d'une partie des marchandises, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit dans l'interprétation des dispositions du règlement n° 3665/87 ; qu'en relevant qu'il n'était ni établi ni même allégué que la Compagnie continentale France se serait livrée à des abus de droit, la cour n'a pas donné aux faits de l'espèce une qualification erronée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 5 novembre 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Compagnie continentale France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES la somme de 3 000 euros que demande la Compagnie continentale France au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES est rejetée.
Article 2 : L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES versera la somme de 3 000 euros à la Compagnie continentale France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES CEREALES, à la Compagnie continentale France et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.