Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 et 24 janvier 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Claude YX, demeurant ... ; M. YX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 29 novembre 2001 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du consul général de France à Marrakech refusant de délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France à Mlle Chaïma Y ;
2°) d'enjoindre aux autorités consulaires de délivrer à Mlle Y un visa d'entrée en France ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 370,28 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
Vu l'ordonnance n° 45- 2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 2000- 1093 du 10 novembre 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nathalie Escaut, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Roger, Sevaux, avocat de M. YX,
- les conclusions de M. Denis Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de Mme YX :
Considérant que Mme YX a intérêt à l'annulation de la décision attaquée ; qu'ainsi son intervention est recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'a utrui ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si M. YX, ressortissant français, a déposé une demande de visa d'entrée et de court séjour pour Chaïma Y, enfant de nationalité marocaine, née le 2 avril 1998, qui lui a été confiée par acte de kafala, sa demande avait pour objet de permettre à cette enfant de venir vivre durablement auprès de lui en France et a été regardée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France comme une demande de visa de long séjour ; qu'en confirmant le refus de visa opposé par le consul général de France à Alger, alors que Chaïma Y n'avait plus de famille au Maroc qui pouvait matériellement la prendre en charge et que M. YX en avait obtenu la garde par un acte de kafala qui avait bénéficié de l'exequatur en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a, dans les circonstances particulières de l'espèce, porté au droit à la vie familiale et privée de Chaïma Y une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. YX est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 911-1 du code de justice administrative :
Considérant que la présente décision qui annule la décision de la commission des recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 29 novembre 2001 appelle une mesure d'exécution ; qu'il y a lieu d'enjoindre au consul général de France à Marrakech de faire droit à la demande de visa d'entrée et de long séjour sur le territoire français de Chaïma Y dans un délai d'un mois à compter de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euros au titre des frais exposés par M. YX et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de Mme YX est admise.
Article 2 : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 29 novembre 2001 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au consul général de France à Marrakech de délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France à Chaïma Y dans un délai d'un mois à compter de la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à M. YX une somme de 2 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Claude YX, à Mme Françoise YX et au ministre des affaires étrangères.