Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme X... A, demeurant ... ; Mme A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2003 du préfet d'Ille-et-Vilaine ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel elle doit être reconduite ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ... 3°) Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité congolaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 juillet 2002, de la décision du 17 juillet 2002 du préfet d'Ille-et-Vilaine lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si à l'appui de sa demande d'annulation de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, Mme A fait valoir qu'elle vit en France depuis plusieurs années en compagnie d'un de ses enfants, mineur et scolarisé en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée est entrée en France en 1999 et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses trois autres enfants ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de la durée et des conditions du séjour de Mme A en France, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cet arrêté a été pris ; que, par suite, en prenant l'arrêté attaqué, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de Mme A ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que si Mme A fait valoir que l'un de ses enfants vit en France, qu'il y est scolarisé et qu'il y possède l'ensemble de ses repères sociaux et affectifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mme A ait méconnu les stipulations citées ci-dessus ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2003 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision distincte fixant le pays à destination duquel Mme A doit être reconduite :
Considérant que, dans les termes où il est rédigé, l'arrêté du 17 janvier 2003 décidant la reconduite à la frontière de Mme A doit être regardé comme comportant une décision distincte par laquelle le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé que l'intéressée serait éloignée à destination de la République démocratique du Congo ;
Considérant que les pièces du dossier établissent que Mme A est personnellement menacée et court des risques pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, le préfet d'Ille-et-Vilaine, en fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination de la reconduite, a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Rennes en date du 31 janvier 2003 est annulé en tant qu'il rejette la demande de Mme A contre la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 17 janvier 2003 en tant qu'elle désigne la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel elle doit être reconduite.
Article 2 : La décision du préfet d'Ille-et-Vilaine en date du 17 janvier 2003 est annulée en tant qu'elle désigne la République démocratique du Congo comme pays à destination duquel Mme A doit être reconduite.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme X... A, au préfet d'Ille-et-Vilaine et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.