Vu la requête, enregistrée le 5 décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Ahcène X, demeurant ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°)' d'annuler le jugement du 18 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 16 novembre 2003 du préfet du Rhône ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision distincte fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
2°)' d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 794 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 modifiée ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (....) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (....) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 11 juin 2003, de la décision du 6 juin 2003 du préfet du Rhône lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X :
Sur l'exception d'illégalité de la décision du 10 février 2003 par laquelle le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a refusé le bénéfice de l'asile territorial à M. X :
Considérant que, par un arrêté du 31 octobre 2002, régulièrement publié au journal officiel de la République française le 8 novembre 2002, le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a donné à M. Thomas Degos, administrateur civil, délégation pour signer notamment les décisions refusant le bénéfice de l'asile territorial ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant à M. X le bénéfice de l'asile territorial aurait été signée par une autorité incompétente manque en fait ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ; que si M. X soutient qu'il encourt des risques personnels en cas de retour en Algérie en raison de ses activités politiques, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant le bénéfice de l'asile territorial à l'intéressé le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision du 6 juin 2003 par laquelle le préfet du Rhône a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de l'accord franco-algérien dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis alinéa 4 (lettres c et d) et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises (...) ; qu'il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet du Rhône ne s'est fondé sur le défaut de visa de long séjour de l'intéressé que pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles 5, 7 et 7 bis alinéa 4 (lettres c et d ) de cet accord et non pas pour la lui refuser sur le fondement de l'article 6-5° qui ne pose pas la même condition ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet du Rhône serait entachée d'une erreur de droit ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ; que si M. X fait valoir que son père réside régulièrement en France depuis de très nombreuses années et que sa mère et certains de ses frères et soeurs résident également en France de façon régulière depuis 1999, il ressort des pièces du dossier que M. X, célibataire et âgé de 31 ans à la date de la décision contestée, est sans charge de famille et qu'il est entré en France à la fin de l'année 2000 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du caractère récent de son séjour en France, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus ; que cette décision ne méconnaît par suite pas davantage les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'autre moyen soulevé à l'encontre de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X :
Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus et en l'absence de changement dans la situation personnelle et familiale de l'intéressé à la date de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, et eu égard aux effets d'une telle mesure, l'arrêté du 16 novembre 2003 par lequel le préfet du Rhône a ordonné la reconduite à la frontière de M. X n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que, par décision en date du 16 novembre 2003, le préfet du Rhône a décidé que M. X serait éloigné à destination de l'Algérie ; que si M. X soutient qu'il encourt des risques personnels en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé, dont la demande d'admission au statut de réfugié a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides du 2 janvier 2002, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 19 juillet 2002, n'apporte pas d'éléments de nature à établir la réalité des risques que comporterait pour lui son retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Ahcène X, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.