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28/07/2004 | FRANCE | N°262988

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 28 juillet 2004, 262988


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 décembre 2003, présentée par M. Abdelfatah X domicilié à ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 novembre 2003 du préfet de l'Isère décidant sa reconduite à la frontière et désignant l'Algérie comme pays de destination ainsi que de l'arrêté du même

jour décidant sa rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 décembre 2003, présentée par M. Abdelfatah X domicilié à ... ; M. X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 novembre 2003 du préfet de l'Isère décidant sa reconduite à la frontière et désignant l'Algérie comme pays de destination ainsi que de l'arrêté du même jour décidant sa rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces arrêtés ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les deux jours suivant la décision du Conseil d'Etat et de statuer à nouveau sur sa situation dans un délai d'un mois ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 820 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;

Vu le décret n° 98-503 du 23 juin 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que le préfet de l'Isère a refusé à M. X, de nationalité algérienne, par une décision en date du 28 mai 2003, notifiée à l'intéressé le 10 juin 2003, la délivrance d'un titre de séjour après le rejet, par le ministre de l'intérieur, de la demande d'asile territorial présentée par l'intéressé ; que, par suite, M. X, qui s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la notification de cette décision, se trouvait dans le cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision de refus d'asile territorial

Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : Dans les conditions compatibles avec les intérêts du pays, l'asile territorial peut être accordé par le ministre de l'intérieur après consultation du ministre des affaires étrangères à un étranger si celui-ci établit que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. -Les décisions du ministre n'ont pas à être motivées. ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le moyen tiré de ce que la décision du ministre de l'intérieur n'est pas motivée en la forme ne peut être utilement invoqué ;

Considérant que le ministre de l'intérieur a estimé que le requérant n'établissait pas que sa vie ou sa liberté serait menacée dans son pays ou qu'il y serait exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 23 juin 1998 pris pour l'application de la loi du 25 juillet 1952 : Le préfet transmet au ministre de l'intérieur le dossier de la demande (...), les informations qu'il a pu recueillir et son avis motivé. - Avant de statuer, le ministre de l'intérieur transmet la copie ...au ministre des affaires étrangères, qui lui communique son avis dans les meilleurs délais ; qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre des affaires étrangères a donné son avis, le 3 mars 2003, au ministre de l'intérieur, qui a statué sur la demande de M. X ; que le requérant n'apporte aucune précision au soutien de ses allégations selon lesquelles le dossier transmis au ministre de l'intérieur et au ministre des affaires étrangères n'aurait pas été complet ;

Considérant que si M. X fait valoir que son frère, qui avait été militaire engagé volontaire en Algérie, était garde communal chargé d'assurer la sécurité de son village, que son père était détenteur d'un fusil et que, commerçant, il a fait l'objet de menaces et de chantage de la part de groupes islamistes, l'intéressé n'apporte toutefois pas de précisions de nature à établir qu'il serait personnellement menacé en cas de retour en Algérie ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision du ministre de l'intérieur aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention précitée ou de la loi du 25 juillet 1952 relative à l'asile territorial, ni qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision du préfet de l'Isère du 28 mai 2003

Considérant que la décision du préfet de l'Isère du 28 mai 2003 rejetant la demande de titre de séjour de M. X est signé par M. Dominique Blais, secrétaire général de la préfecture qui disposait d'une délégation de signature du préfet en date du 26 mai 2003, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le 27 mai 2003 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le signataire de cette décision ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulièrement publiée manque en fait ;

Considérant que la décision de refus de séjour litigieuse énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'ait pas examiné la situation particulière de M. X ni qu'il se soit cru lié par la décision du ministre de l'intérieur ;

Considérant que M. X ne se trouvait pas dans un cas où il devait se voir délivrer un titre de séjour de plein droit ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet devait saisir la commission du titre de séjour prévue à l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 avant de statuer sur sa demande ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté attaqué, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment le maintien du requérant sur le territoire français après la décision de refus de séjour qui lui avait été opposée, est suffisamment motivé ;

Considérant que M. X, entré en France le 25 octobre 2001, est dépourvu d'attaches familiales proches sur le territoire français ; qu'ainsi, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision désignant l'Algérie comme pays de destination, qui énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement est suffisamment motivée ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. X n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant l'Algérie comme pays de destination serait entachée d'illégalité comme ayant été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision de maintien du requérant en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 Peut être maintenu, s'il y a nécessité, par décision écrite motivée du représentant de l'Etat dans le département, dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ, l'étranger qui : (...) 3° devant être reconduit à la frontière, ne peut quitter immédiatement le territoire français. ;

Considérant que l'arrêté décidant le maintien en rétention de M. X est motivé notamment par l'impossibilité de mettre immédiatement à exécution l'arrêté décidant la reconduite à la frontière du requérant ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. X ne disposait pas de garanties de représentation ; que, par suite, M. X n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté décidant son maintien en rétention administrative ne serait pas motivé ou n'aurait pas été nécessaire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du préfet de l'Isère du 19 novembre 2003 décidant sa reconduite à la frontière, d'autre part, de la décision fixant l'Algérie comme pays de destination et, enfin de la décision de la maintenir en rétention administrative ; que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Isère de régulariser la situation de M. X ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelfatah X, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 262988
Date de la décision : 28/07/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2004, n° 262988
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur public ?: Mme Prada Bordenave

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:262988.20040728
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