Vu la requête, enregistrée le 31 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA CHARENTE ; le PREFET DE LA CHARENTE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision du 9 octobre 2002 plaçant M. X en rétention administrative pour l'exécution de son arrêté du 10 octobre 2000 décidant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par un arrêté du 10 octobre 2000, le PREFET DE LA CHARENTE a ordonné la reconduite à la frontière de M. X, de nationalité biélorusse ; que, par une décision du 9 octobre 2002, prise pour l'exécution de cet arrêté, le PREFET DE LA CHARENTE a placé M. X en rétention administrative ;
Considérant que lorsqu'un arrêté de reconduite à la frontière a été dépourvu de mesure d'exécution pendant une durée anormalement longue, caractérisée par un changement de circonstances de fait ou de droit, et que ce retard est exclusivement imputable à l'administration, l'exécution d'office d'une reconduite à la frontière doit être regardée comme fondée non sur l'arrêté initial, même si celui-ci est devenu définitif faute d'avoir été contesté dans les délais, mais sur un nouvel arrêté de reconduite à la frontière dont l'existence est révélée par la mise en oeuvre de l'exécution d'office elle-même et qui doit être regardé comme s'étant substitué à l'arrêté initial ;
Considérant qu'en l'espèce, près de deux années se sont écoulées entre l'intervention de l'arrêté du 10 octobre 2000 du PREFET DE LA CHARENTE ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du 9 octobre 2002 plaçant l'intéressé en rétention administrative en vue d'assurer l'exécution d'office de cet arrêté ; qu'à la date de la décision du 9 octobre 2002 plaçant l'intéressé en rétention administrative en vue d'assurer l'exécution d'office de cet arrêté, l'état de santé de M. X, qui avait été contaminé par les virus de l'hépatite A et B, s'était dégradé ; que, la circonstance que M. X ait présenté, le jour de sa mise en rétention administrative, une demande de titre de séjour en tant qu'étranger malade, n'est pas de nature à établir que l'intéressé ait cherché à se soustraire à l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le PREFET DE LA CHARENTE n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a estimé que la décision du 9 octobre 2002 plaçant M. X en rétention administrative en vue d'assurer l'exécution d'office de cet arrêté, devait être regardée comme une nouvelle mesure de reconduite à la frontière s'étant substituée à l'arrêté initial, que l'intéressé était recevable à contester devant le tribunal administratif ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière du 9 octobre 2002 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X faisait l'objet de soins médicaux nécessités par son état de santé, dont il ne pouvait bénéficier dans son pays d'origine ; qu'ainsi la décision du 9 octobre 2002 était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la gravité de ses conséquences sur la situation personnelle de M. X ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA CHARENTE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Poitiers a annulé son arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que la SCP Baraduc et Duhamel, avocat de M. X, demande en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête du PREFET DE LA CHARENTE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Baraduc et Duhamel la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA CHARENTE, à M. Youri X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.