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07/05/2004 | FRANCE | N°240542

France | France, Conseil d'État, 6eme sous-section jugeant seule, 07 mai 2004, 240542


Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mountaga X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Consul de France à Conakry (Guinée) a refusé de délivrer un passeport à ses enfants mineurs Doussou et Mama X ;

2°) d'enjoindre au Consul de France à Conakry (Guinée) de délivrer un passeport à chacun de ses enfants mineurs Doussou et Mama X, sous astreinte de 762,25 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à

lui verser la somme de 1 524,50 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justi...

Vu la requête, enregistrée le 21 novembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mountaga X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle le Consul de France à Conakry (Guinée) a refusé de délivrer un passeport à ses enfants mineurs Doussou et Mama X ;

2°) d'enjoindre au Consul de France à Conakry (Guinée) de délivrer un passeport à chacun de ses enfants mineurs Doussou et Mama X, sous astreinte de 762,25 euros par jour de retard ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 524,50 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de la nationalité ;

Vu le décret n° 2001-185 du 26 février 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par lettre en date du 12 septembre 2000, reçue à l'ambassade de France en Guinée le 25 octobre suivant, le conseil de M. X, ressortissant français, a sollicité pour chacun des trois enfants mineurs et de nationalité française de celui-ci, la délivrance d'un passeport ; que, par lettre en date du 22 décembre 2000, le Consul de France à Conakry a fait connaître, en réponse, que ces enfants étant nés en Guinée, la transposition de leurs actes de naissance était nécessaire et que le délai d'instruction de la demande de passeport serait, en conséquence, majoré ; qu'à défaut de toute autre prise de position précise de l'administration, cette lettre doit être regardée comme une décision expresse de rejet, dont M. X sollicite l'annulation ; que cette décision n'ayant pas été notifiée avec la mention des voies et délais de recours, le délai de recours contentieux ouvert à son encontre n'a pas couru ; que, par suite, les fins de non-recevoir opposées par le ministre des affaires étrangères et tirées de ce que la requête de M. X ne serait dirigée contre aucune décision et serait tardive doivent être écartées ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant que la décision attaquée fait obstacle à ce que les enfants Doussou et Mama X, dont la nationalité française n'est pas contestée, soient, après le décès de leur mère en Guinée, accueillis au foyer de leur père qui réside en France, dont il est ressortissant ; que, dès lors, cette décision porte au droit de M. X et de ses enfants Doussou et Mama au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue duquel elle a été prise et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, M. X est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ; et qu'aux termes de l'article L. 911-3 de ce code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;

Considérant que la présente décision implique nécessairement que le Consul de France à Conakry (Guinée) prenne à nouveau une décision, après une nouvelle instruction, sur la demande de M. X tendant à la délivrance d'un passeport à ses enfants Doussou et Mama ; qu'il y a lieu, dès lors, de prescrire au Consul de France à Conakry de prendre cette décision dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à M. X, la somme de 1 524 euros que demande celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : La décision du Consul de France à Conakry (Guinée), en date du 22 décembre 2000 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au Consul de France à Conakry (Guinée) de prendre une nouvelle décision sur la demande de M. X dans le délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : Le ministre des affaires étrangères communiquera au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour l'exécution de la présente décision.

Article 4 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 524 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Mountaga X et au ministre des affaires étrangères.


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 07 mai. 2004, n° 240542
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Bonichot
Rapporteur ?: M. Maurice Benassayag
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Formation : 6eme sous-section jugeant seule
Date de la décision : 07/05/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 240542
Numéro NOR : CETATEXT000008167455 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2004-05-07;240542 ?
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