Vu l'arrêt, enregistré le 21 octobre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par lequel la cour administrative d'appel de Douai transmet au Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée au tribunal administratif de Lille pour le FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON (FROM NORD), la SOCIETE DIEPPOISE DE CONSIGNATION ET DE FABRICATION D'AGRES et la SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'ARMEMENT LEVEAU ;
Vu la demande, enregistrée le 15 février 1995 au greffe du tribunal administratif de Lille, présentée pour le FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON (FROM NORD), représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité au siège du FROM NORD, ..., la SOCIETE DIEPPOISE DE CONSIGNATION ET FABRICATION D'AGRES, représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège de la société, ... Eglise à Neuville-lès-Dieppe (76370) et la SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'ARMEMENT LEVEAU, représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège de la société, ... Eglise à Neuville-lès-Dieppe (76370) ; le FROM NORD et autres demandent :
1°) l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche en date du 23 décembre 1994 portant répartition de quotas de captures attribués à la France pour l'année 1995 ;
2°) la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 25 000 F au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée pour le FROM NORD et autres ;
Vu la note en délibéré présentée pour la société Comapêche ;
Vu le règlement n° 3760/92 du Conseil du 20 décembre 1992 instituant un régime communautaire de la pêche et de l'aquaculture ;
Vu le décret du 9 janvier 1852 sur l'exercice de la pêche maritime, modifié notamment par la loi n° 85-542 du 22 mai 1985 et la loi n° 91-627 du 3 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 90-94 du 25 janvier 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Crépey, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat du FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON (FROM NORD) et autres et de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société Comapêche,
- les conclusions de M. Glaser, Commissaire du gouvernement ;
Sur l'intervention de la Société boulonnaise d'armement Le Garrec et autres :
Considérant que la Société boulonnaise d'armement Le Garrec, la Société d'exploitation de l'armement Nord-Pêcherie et la copropriété de l'armement Snekkar-Nordic justifient d'un intérêt commun à l'annulation des arrêtés attaqués ; qu'ainsi leur intervention est recevable ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés des 23 décembre 1994 et 28 avril 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement n° 3760/92 du Conseil du 20 décembre 1992 instituant un régime communautaire de la pêche et de l'aquaculture : En ce qui concerne les activités d'exploitation, les objectifs généraux de la politique commune de la pêche sont de protéger et de conserver les ressources aquatiques marines vivantes, disponibles et accessibles, et de prévoir une exploitation rationnelle et responsable sur une base durable, dans des conditions économiques et sociales appropriées pour le secteur, compte tenu notamment des besoins à la fois des producteurs et des consommateurs (...) ; qu'aux termes de l'article 4 du même règlement : 1. Afin d'assurer l'exploitation rationnelle des ressources sur une base durable, le Conseil (...) arrête les mesures communautaires fixant les conditions d'accès aux zones et aux ressources et d'exercice des activités d'exploitation. (...) 2. Ces dispositions peuvent notamment comporter, pour chaque pêcherie ou groupe de pêcheries, des mesures visant à : (...) c) fixer des limites quantitatives pour les captures (...) ; qu'aux termes de son article 8 : 1. Conformément à l'article 4, le taux d'exploitation peut être régulé par une limitation, pour la période concernée, du volume des captures autorisées et, au besoin, de l'effort de pêche. (...)./ 4. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission :/ i) détermine pour chaque pêcherie ou groupe de pêcheries, au cas par cas, le total admissible des captures et/ou le total admissible de l'effort de pêche, le cas échéant sur une base pluriannuelle (...) ;/ ii) répartit les possibilités de pêche entre les Etats membres de façon à garantir la stabilité relative des activités de pêche de chaque Etat membre pour la zone concernée (...) ; qu'aux termes du 2 de l'article 9 du même règlement : Chaque année, les Etats membres informent la Commission des critères qu'ils ont adoptés pour la répartition des disponibilités de pêche qui leur ont été allouées et pour les modalités de leur utilisation, conformément au droit communautaire et à la politique commune de la pêche ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 9 janvier 1852 relatif à l'exercice de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : La pêche maritime s'exerce conformément aux règlements de la Communauté économique européenne et notamment ceux relatifs au régime de conservation et de gestion des ressources./ Toutefois, lorsque la mise en application effective de ces règlements l'exige ou le permet (...), des décrets en Conseil d'Etat fixent les conditions dans lesquelles peuvent être prises les mesures suivantes : (...)/ 2° Pour certaines espèces ou certains groupes d'espèces, la limitation du volume des captures et leur répartition par navire ; qu'aux termes de l'article 14 du décret du 25 janvier 1990, pris pour l'application de ces dispositions, dans sa rédaction alors en vigueur : (...) Les prélèvements totaux de captures fixés par les règlements communautaires (...) peuvent être répartis par le ministre chargé des pêches maritimes en quotas établis concurremment ou simultanément pour une période donnée, par zones géographiques, par types de pêche, par groupements de navires ou par navires./ Lorsque des quotas ont été établis par zones géographiques, par types de pêche ou par groupements de navires, l'autorité administrative compétente peut les répartir par navires en tenant compte notamment :/ - des caractéristiques des navires participant à la pêche ;/ - des antériorités de pêche ;
En ce qui concerne les moyens tirés de ce que les motifs des arrêtés attaqués seraient entachés d'erreur de droit :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre chargé de la pêche maritime aurait, en arrêtant par les décisions contestées la répartition des quotas de captures de cabillaud alloués à la France dans la zone économique exclusive de la Norvège et dans les zones CIEM I et IIB (Spitzberg) pour la campagne 1995, entendu compenser les conséquences résultant pour la société Comapêche du refus de toute licence de pêche dans la zone de Saint-Pierre-et-Miquelon pour les campagnes de 1990, 1991 et 1992 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'un tel motif n'est pas de nature à fonder la légalité des arrêtés attaqués ne peut qu'être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, pour répartir les quotas litigieux entre les navires adhérents de l'organisation de producteurs FROM NORD et les navires de l'armement Comapêche, le ministre chargé de la pêche maritime s'est fondé sur des considérations tirées des caractéristiques des navires intéressés et des antériorités de pêche dont ils bénéficiaient ;
Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées de l'article 14 du décret du 25 janvier 1990 n'imposent à l'autorité administrative compétente de tenir compte de ces critères que dans le cas des répartitions entre navires et non, comme en l'espèce, entre groupements de navires, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la légalité des arrêtés attaqués, dès lors qu'il était loisible au ministre, dans le silence des mêmes dispositions sur les critères à mettre en oeuvre dans le cas des répartitions entre groupements de navires, de retenir les caractéristiques des navires et les antériorités de pêche parmi les éléments de son appréciation ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article 9 du règlement n° 3760/92 du Conseil du 20 décembre 1992 rappelées ci-dessus que, dans l'exercice de la compétence qui leur appartient pour définir les modalités d'utilisation de leurs quotas, les Etats membres peuvent déterminer ceux des bateaux de leur flotte de pêche qui seront admis à y puiser, à condition que les critères utilisés soient compatibles avec le droit communautaire et la politique commune de la pêche ; que si le FROM NORD et autres soutiennent que les éléments d'appréciation retenus par le ministre pour arrêter la répartition des quotas litigieux méconnaissent les règles communautaires de conservation et de gestion des ressources halieutiques, ces règles ne font toutefois pas obstacle, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes, à ce que les Etats membres répartissent les quotas qui leur sont attribués en fonction notamment des caractéristiques des navires bénéficiaires ; qu'elles ne s'opposent pas davantage à ce qu'ils tiennent compte, dans l'exercice de leur compétence, des antériorités de pêche des armements intéressés, dès lors qu'il résulte clairement des dispositions du règlement précité, éclairées notamment par son onzième considérant, en vertu duquel le régime communautaire de conservation et de gestion des ressources doit contribuer à une plus grande stabilité des activités de pêche, qu'un tel critère est en rapport avec la finalité de ce régime ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que les motifs qui ont fondé les décisions attaquées seraient entachés d'erreur de droit doivent être écartés ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du principe d'égalité et de l'erreur d'appréciation :
Considérant que si le ministre chargé de la pêche maritime, lorsqu'il procède à la répartition des quotas de captures alloués à la France, ne peut créer entre les divers bénéficiaires de discriminations qui ne soient pas justifiées par des considérations d'intérêt général, le respect de ce principe ne peut pas être apprécié pour une campagne déterminée zone par zone ni espèce par espèce, mais doit l'être globalement, eu égard à l'ensemble des attributions ; que si les requérants sont fondés à soutenir que cette appréciation globale doit reposer sur un critère tiré du nombre de tonnes d'équivalent-cabillaud attribuées par l'ensemble des arrêtés ministériels de répartition pour la campagne de pêche considérée, rapporté à la puissance des navires intéressés, il doit également être tenu compte d'éventuelles différences de situation dans les conditions d'exploitation des flottes de pêche concernées ; qu'il en résulte notamment que doivent seuls être pris en compte, pour apprécier le respect du principe de non-discrimination entre deux flottes de navires de pêche, ceux de ces navires qui sont susceptibles, eu égard à leurs caractéristiques, de participer aux mêmes pêcheries ; qu'ainsi le FROM NORD et autres ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui de leur comparaison avec l'armement Comapêche qui n'est constitué que de navires de pêche industrielle, de la partie de leur flotte constituée de navires de pêche artisanale que pour autant que les quotas litigieux puissent être attribués à des navires de l'un ou l'autre type ; qu'il ressort des pièces du dossier, analysées à la lumière des principes ainsi rappelés, que les répartitions de quotas alloués à la France au titre de la campagne 1995 n'ont pas créé de discrimination entre les navires adhérents du FROM NORD et les navires de l'armement Comapêche ; qu'ainsi les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le ministre aurait porté une atteinte illégale au principe d'égalité ou commis une erreur dans l'appréciation des faits de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le FROM NORD et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés attaqués ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du FROM NORD et autres une somme globale de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société Comapêche et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Société boulonnaise d'armement Le Garrec, de la Société d'exploitation de l'armement Nord-Pêcherie et de la copropriété de l'armement Snekkar-Nordic est admise.
Article 2 : La requête du FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON et autres est rejetée.
Article 3 : Le FROM NORD et autres verseront à la société Comapêche une somme globale de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au FONDS REGIONAL D'ORGANISATION DU MARCHE DU POISSON, à la SOCIETE DIEPPOISE DE CONSIGNATION ET DE FABRICATION D'AGRES, à la SOCIETE D'EXPLOITATION DE L'ARMEMENT LEVEAU, à la Société boulonnaise d'armement Le Garrec, à la Société d'exploitation de l'armement Nord-Pêcherie, à la copropriété de l'armement Snekkar-Nordic, à la société Comapêche et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.