Vu la requête et les mémoires, enregistrés les 25 août 2003, 23 septembre 2003, 8 octobre 2003, 22 octobre 2003 et 1er décembre 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mme Yvaresse X, déclarant être ... ; Mme X demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er août 2003 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2003 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, de nationalité camerounaise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 24 juin 2003, de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 20 juin 2003, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur l'exception d'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée susvisée : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ;
Considérant que si Mme X, qui est entrée en France pour la dernière fois en décembre 2001 de façon irrégulière après avoir séjourné en Suisse pendant plus d'une année, fait valoir qu'elle est liée à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité depuis le 4 novembre 2002, officialisant une relation antérieure, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de la vie commune invoquée, la décision du préfet de la Haute-Savoie en date du 20 juin 2003 lui refusant un titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme X au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi le refus de titre de séjour opposé à la requérante n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article 12 bis 7° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que par suite, Mme X n'est pas fondée à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé serait illégal et que l'arrêté de reconduite à la frontière pris sur son fondement serait lui-même, par voie de conséquence, illégal ;
Sur les autres moyens de la requête :
Considérant que si Mme X fait valoir qu'elle avait, à la date de l'arrêté attaqué, un projet de mariage avec le ressortissant français auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la brève durée de la vie commune alléguée, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 29 juillet 2003 ordonnant sa reconduite à la frontière n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet de la Haute-Savoie a seulement voulu mettre fin à la présence irrégulière de Mme X, à la suite du rejet de sa demande de titre de séjour, et non faire échec à son projet de mariage avec un ressortissant français ; qu'ainsi, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant que si la requérante, qui a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour du 7 novembre 2002 au 15 février 2003 à la suite de l'abrogation, pour motif de santé, d'un premier arrêté de reconduite à la frontière la concernant et dont la demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article 12 bis 11° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 a été rejetée par la décision précitée du 20 juin 2003, fait valoir que son état de santé nécessitait encore un suivi médical, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, son état de santé ne justifiait plus un suivi médical en France ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur sa situation personnelle ;
Considérant enfin, d'une part, que la circonstance qu'elle ne trouble pas l'ordre public, d'autre part, que les circonstances, postérieures d'ailleurs à la décision contestée, qu'elle aurait un différend avec son avocat et qu'elle serait citée à comparaître devant le tribunal correctionnel de Thonon-Les-Bains, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Yvaresse X, au préfet de la Haute-Savoie et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.