Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 décembre 2002 et 18 avril 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'O.P.A.C. OISE HABITAT, dont le siège est 17, rue Albert Thomas, BP 105 à Creil Cedex (60106) ; l'O.P.A.C. OISE HABITAT demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 15 octobre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 29 juin 1999 du tribunal administratif d'Amiens annulant les titres de perception n°s 414 et 415 rendus exécutoires par le directeur de l'O.P.A.C. le 26 juin 1995 et déchargeant M. Jean-Pierre X du paiement de la somme de 407 737,37 F ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif d'Amiens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, notamment en ses articles 21-II et 58-VIII ;
Vu la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, notamment en son article 118 ;
Vu le décret n° 73-207 du 28 janvier 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture remplies pour le compte des collectivités publiques par des prestataires de droit privé ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Aguila, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'O.P.A.C. OISE HABITAT et de Me Ricard, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par quatre marchés passés entre 1986 et 1988, l'Office public intercommunal d'HLM de la région de Creil a confié à M. Jean-Pierre X, architecte, la maîtrise d'oeuvre de la construction et de la réhabilitation de logements situés dans les communes de Breuil le Vert, Pont-Sainte-Maxence et Creil ; que ces marchés ont été conclus sur la base d'un coût d'objectif et d'un forfait de rémunération ; qu'après avoir payé d'abord les honoraires de l'architecte, l'OPAC OISE HABITAT, venant aux droits de l'OPHLM de Creil, a émis ensuite à l'encontre de M. X deux titres de perception par lesquels il lui a réclamé le reversement d'une somme de 407 737,37 F (62 159,16 euros) correspondant à un abattement de 20% sur la rémunération initiale par application du I de l'article 9 du décret du 28 janvier 1973 ; que, par un jugement en date du 29 juin 1999, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les titres de perception litigieux et a déchargé M. X du paiement de la somme précitée ; que par l'arrêt attaqué, en date du 15 octobre 2002, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé ce jugement, en retenant toutefois un autre motif ;
Considérant que, pour juger que le décret du 28 janvier 1973 relatif aux conditions de rémunération des missions d'ingénierie et d'architecture n'était plus applicable, à la date des marchés litigieux, aux offices publics d'HLM, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur les dispositions combinées de l'article 21 de la loi du 2 mars 1982 et de l'article 118 de la loi du 22 juillet 1983 ; que ces dernières dispositions ont expressément abrogé les dispositions de l'article L. 315-2 du code des communes, constituant la base légale de l'article R. 315-2 du même code, en vertu duquel le décret du 28 février 1973 était applicable aux communes et à leurs établissements publics ; qu'en revanche, elles n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'abroger les dispositions de l'article L. 423-3 du code de la construction et de l'habitat, selon lesquelles les règles financières applicables aux organismes d'habitations à loyer modéré - au nombre desquelles figurent les règles de rémunération des architectes- sont déterminées par décrets, ni par voie de conséquence de priver de base légale les dispositions de l'article R. 434-1 du même code qui rendaient le décret du 28 février 1973 applicable aux offices publics d'aménagement et de construction et aux offices publics d'HLM ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'a jugé la cour administrative d'appel de Douai, le décret du 28 février 1973 était applicable aux marchés litigieux ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 9 du décret du 28 janvier 1973 alors applicable : Par dérogation aux articles 4 à 6 du présent décret, peuvent donner lieu à la rémunération forfaitaire définie à l'article 10 ci-dessous les missions complètes pour lesquelles aucun des prestataires consultés n'accepte de s'engager sur un coût d'objectif, même provisoire. Toutefois pour une mission normalisée, l'abattement de 10% mentionné à l'article 10 ci-dessous est porté à 20% ; que, pour procéder à un abattement de 20% sur la rémunération initiale de M. X, l'O.P.A.C. OISE HABITAT a estimé que ce dernier ne s'était pas engagé sur un coût d'objectif et qu'il y avait lieu, par voie de conséquence, de faire application des dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les marchés de maîtrise d'oeuvre litigieux ont été passés postérieurement à l'analyse des offres des entreprises ; qu'en raison de cette circonstance indépendante de la volonté de M. X, le coût des prestations était déjà connu à la date de passation des marchés de maîtrise d'oeuvre ; qu'ainsi, c'est du seul fait du maître de l'ouvrage, que M. X n'a pu s'engager sur un coût d'objectif ; que, dès lors, le maître d'oeuvre ne saurait en l'espèce être regardé comme n'ayant pas accepté, au sens du I de l'article 9 précité du décret du 28 janvier 1973, de s'engager sur un coût d'objectif ; que, par suite, l'O.P.A.C. OISE HABITAT n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé les titres de perception n° 414 et 415 émis à l'encontre de M. X et a déchargé ce dernier des sommes qui lui ont été réclamées par ces titres ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'O.P.A.C. OISE HABITAT à verser à M. X une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt en date du 15 octobre 2002 de la cour administrative d'appel de Douai est annulé.
Article 2 : La requête présentée par l'O.P.A.C. OISE HABITAT devant la cour administrative d'appel de Douai est rejetée.
Article 3 : L'O.P.A.C. OISE HABITAT versera à M. Jean-Pierre X une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par lui non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'O.P.A.C. OISE HABITAT et à M. Jean-Pierre X.