Vu la requête, enregistrée le 6 juin 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA DROME ; le PREFET DE LA DROME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 3 mai 2002 décidant la reconduite à la frontière de M. Mamadou X... et son placement en rétention administrative ainsi que sa décision du même jour désignant le Sénégal comme pays de destination de l'éloignement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benassayag, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité sénégalaise, s'est maintenu dans de telles conditions sur le territoire français ; qu'il se trouvait ainsi dans un des cas où le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... ne justifie pas, sauf pour deux de ses soeurs, de l'identité et du domicile des membres de sa famille vivant en France et n'a pas établi la réalité de ses liens avec ceux-ci ; qu'il n'est, par ailleurs, pas dépourvu d'autres attaches familiales au Sénégal ; qu'il en résulte que les arrêtés attaqués n'ont pas porté au droit de M. X... au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel ils ont été pris ; que, d'autre part, si l'intéressé fait état d'une communauté de vie avec une française qu'il désire épouser, cette vie commune n'a duré que quelques mois ; que M. X... conserve la possibilité de se marier, soit dans son pays d'origine, soit en France s'il y revient en situation régulière ; que par suite, les arrêtés attaqués n'ont eu ni pour objet ni pour effet de lui interdire de se marier ;
Considérant que, dès lors, c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur la méconnaissance des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler les arrêtés contestés ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Sur la légalité externe des arrêtés contestés :
Considérant que ces arrêtés exposent les considérations de droit et de fait sur lesquelles ils se fondent ; qu'ils sont, par suite, suffisamment motivés ;
Sur la légalité interne des arrêtés contestés :
En ce qui concerne la reconduite à la frontière :
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la mesure d'éloignement prise par le PREFET DE LA DROME n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire obstacle au mariage de M. X... qui peut avoir lieu soit au Sénégal, soit en France dans des conditions régulières ; qu'elle n'implique pas davantage une inscription au fichier SIS du signalement de l'intéressé ; qu'elle ne porte pas non plus au droit de M. X... au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel elle a été prise ; qu'elle ne méconnaît donc pas le 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 et que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne le placement en rétention administrative :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal de grande instance de Lyon a substitué, à la mesure de placement en rétention administrative de M. X... une assignation à résidence ; qu'il en résulte que les conclusions dirigées contre cette mesure sont devenues sans objet ;
En ce qui concerne la fixation du Sénégal comme pays de destination :
Considérant que le requérant ne soulève aucun moyen à l'appui de ses conclusions dirigées contre cet arrêté ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA DROME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ses arrêtés du 3 mai 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamné à payer à M. X... la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 7 mai 2002 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. X... dirigées contre son placement en rétention administrative.
Article 3 : Le surplus de la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA DROME, à M. Mamadou X..., et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.