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10/02/2004 | FRANCE | N°263664

France | France, Conseil d'État, Juge des referes, 10 février 2004, 263664


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Yves X, demeurant ... ; M. Yves X demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision du 4 décembre 2003 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, lui a refusé le bénéfice de la protection prévue par l'article 24 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;

2°) de

condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 7...

Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Yves X, demeurant ... ; M. Yves X demande au juge des référés du Conseil d'Etat :

1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la décision du 4 décembre 2003 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, lui a refusé le bénéfice de la protection prévue par l'article 24 de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au ministre de la défense de lui accorder à titre provisoire le bénéfice de la protection prévue par l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 ;

M. X soutient qu'il se trouve dans l'impossibilité financière d'assurer sa défense dans des conditions satisfaisantes ; que la condition d'urgence doit, dès lors, être regardée comme remplie ; qu'il existe, en l'état de l'instruction, plusieurs moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision du ministre de la défense ; qu'elle est insuffisamment motivée ; que le ministre de la défense a méconnu l'autorité qui s'attache à la précédente ordonnance du juge des référés et commis une erreur de droit en considérant que les faits reprochés à M. X étaient constitutifs d'une faute personnelle ; que sa décision procède des mêmes motifs que ceux qui ont conduit à la suspension de sa précédente décision prononcée par l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 18 septembre 2003 ; qu'en effet, les agissements regardés par la décision litigieuse comme une faute personnelle de M. X ont été commis au cours d'une période qui ne correspond pas à celle pour laquelle des poursuites pénales ont été engagées à son encontre ; qu'en tout état de cause, ces faits sont soit inexistants, en ce qui concerne la définition des besoins et des spécifications techniques des marchés informatiques attribués à la société Adonis création dont son fils était le gérant, soit non constitutifs d'une faute personnelle en ce qui concerne la réception de travaux exécutés par la société Adonis création ; que la décision contestée est entachée d'une dénaturation des faits et comporte des inexactitudes matérielles ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la copie de la requête à fin d'annulation présentée par M. X à l'encontre de cette décision ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 février 2004, présenté par le ministre de la défense ; il tend au rejet de la requête ; le ministre de la défense soutient que M. X dispose de ressources suffisantes pour assurer sa défense ; que la condition d'urgence ne peut dès lors être regardée comme remplie ; qu'il n'existe pas, en l'état de l'instruction, de moyen susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que celle-ci est suffisamment motivée ; que les décisions de suspension du juge des référés n'ont pas l'autorité de la chose jugée ; qu'il n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que les faits reprochés à M. X étaient constitutifs d'une faute personnelle ; que ses agissements, notamment la conclusion irrégulière de marchés avec la société STARLOG et les liens qu'il avait avec la société Adonis Création, sont avérés et portent sur une période correspondant à celle pour laquelle des poursuites pénales ont été engagées à son encontre ; que la décision dont la suspension est demandée ne repose sur aucune dénaturation des faits ; que les erreurs matérielles dont cette décision est entachée sont de simples erreurs de plume, sans incidence sur sa légalité ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 6 février 2004, présenté pour M. VILLELLEGIER ; il reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il ajoute que le ministre de la défense se livre à une substitution de griefs en reformulant sa motivation et en invoquant la conclusion de marchés avec la société STARLOG qui ne figure pas parmi les motifs de la décision contestée ; qu'en tout état de cause, les faits nouvellement invoqués ne sont pas avérés et constitutifs d'une faute personnelle ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 9 février 2004, présenté par le ministre de la défense, qui reprend les conclusions et les moyens de son précédent mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n°72-662 du 13 juillet 1972 modifiée, portant statut général des militaires ;

Vu la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n°2001-407 du 7 mai 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, M. X, d'autre part, le ministre de la défense ;

Vu le procès verbal de l'audience publique du 9 février 2004 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :

- Me CASTON, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. X,

- M. X,

- les représentants du ministre de la défense ;

Considérant qu'en vertu de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension d'une décision administrative par le juge des référés est subordonnée à la double condition que l'urgence le justifie et qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant que l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires dispose : Les militaires sont protégés par le code pénal et les lois spéciales contre les menaces, violences, outrages, injures ou diffamations dont ils peuvent être l'objet. L'Etat est tenu de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent être l'objet à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté...L'Etat est également tenu d'accorder sa protection au militaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle ;

Considérant que, pour rejeter la demande d'un militaire qui sollicite le bénéfice de ces dispositions, le ministre de la défense peut, sous le contrôle du juge, exciper du caractère personnel de la ou des fautes qui ont conduit à l'engagement de la procédure pénale, sans attendre l'issue de cette dernière ou de la procédure disciplinaire ; qu'il se prononce au vu des éléments dont il dispose à la date de sa décision en se fondant, le cas échéant, sur ceux recueillis dans le cadre de la procédure pénale ;

Considérant qu'à la suite de rapports d'enquête administrative portant sur des marchés informatiques passés par la direction des constructions navales, le délégué général pour l'armement a saisi, le 17 mai 2001, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris en application de l'article 40 du code de procédure pénale ; que des documents complémentaires ont été, en application du même article, transmis au parquet le 30 août 2002 ; que M. Yves X, ingénieur en chef des études et techniques d'armement, qui avait occupé les fonctions d'adjoint au chef de bureau informatique de la direction des constructions navales d'août 1983 à octobre 1992 puis de chef de ce bureau de novembre 1992 à septembre 1996, a été, à la suite de ces transmissions, mis en examen le 26 septembre 2002 pour infraction au code des marchés publics, corruption et trafic d'influence ; qu'il a demandé le 3 octobre 2002 le bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 13 juillet 1972 ; que cette protection lui a été refusée par une première décision du 13 décembre 2002, dont une précédente ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat a prononcé la suspension tout en demandant à l'administration de réexaminer la demande de l'intéressé ; que, par la décision du 4 décembre 2003, dont M. X demande la suspension, le ministre de la défense a rejeté, après avis de la commission des recours des militaires, la demande de protection présentée par cet officier ;

Considérant que le ministre de la défense a produit au cours de l'instance de référé des rapports administratifs établis les 29 mai 1998, 25 mai 1999, 21 mars 2000 et 11 février 2001 ; que ces rapports font état, sur une période allant de 1991 à 1997, de graves irrégularités dans la passation des marchés de la direction des constructions navales ; qu'ils mettent tous en cause le rôle personnel de M. X, à qui ils reprochent notamment la conclusion de marchés avec une société gérée par son fils, la facturation de prestations fictives , l'acceptation de prix excessifs et un manque de transparence et de contrôle dans la préparation et l'exécution des marchés informatiques qui relevaient de ses attributions ; que la décision de refus dont M. X demande la suspension se fonde sur les constatations de ces différents rapports ; qu'il a été précisé au cours de l'audience publique que le ministre s'était ainsi livré à une appréciation reposant sur le comportement d'ensemble de l'intéressé et non sur le seul exemple expressément mentionné dans la décision du 4 décembre 2003 ; que, dans ces conditions, et eu égard tant aux fonctions occupées par le requérant qu'à la nature, à l'ampleur et au caractère répété des manquements ainsi relevés, le moyen tiré de ce que le ministre de la défense aurait inexactement qualifié les faits soumis à son examen en excipant, pour refuser la protection juridique demandée par l'intéressé, du caractère personnel des fautes à l'origine des poursuites pénales intentées à son encontre n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, comme de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée ; que cette décision, qui est suffisamment motivée, ne méconnaît pas le caractère obligatoire de la précédente ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat, qui imposait seulement à l'administration de réexaminer, ainsi qu'elle l'a fait, la demande de M. X au regard des règles qu'elle avait rappelées ; qu'aucun des autres moyens invoqués par M. X n'est non plus de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de suspension présentée par M. X et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de M. Yves X est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. Yves X et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : Juge des referes
Numéro d'arrêt : 263664
Date de la décision : 10/02/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 fév. 2004, n° 263664
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2004:263664.20040210
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