Vu 1°, sous le n° 241645, la requête et les pièces complémentaires, enregistrées le 4 janvier 2002, le 31 janvier 2002 et le 7 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COORDINATION NATIONALE POUR LA DEFENSE DES SEMENCES FERMIERES, dont le siège est B.P. 37 à Ruffec (16700), le SYNDICAT DES TRIEURS A FACONS DE FRANCE, dont le siège est ..., la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est ..., la COORDINATION RURALE-UNION NATIONALE, dont le siège est ... (32000), la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS FAMILIAUX, dont le siège est ..., l'ORGANISATION DES PRODUCTEURS DE GRAINS, dont le siège est ... et la FEDERATION NATIONALE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE ; les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2001 portant extension de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre signé le 26 juin 2001 ;
Vu 2°, sous le n° 247630, la requête et les pièces complémentaires, enregistrées le 6 juin 2002, le 8 juillet 2002 et le 10 juillet 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la COORDINATION NATIONALE POUR LA DEFENSE DES SEMENCES FERMIERES, dont le siège est B.P. 37 à Ruffec (16700), le SYNDICAT DES TRIEURS A FACONS DE FRANCE, dont le siège est ..., la CONFEDERATION PAYSANNE, dont le siège est ..., la COORDINATION RURALE-UNION NATIONALE, dont le siège est ... (32000), la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS FAMILIAUX, dont le siège est ..., l'ORGANISATION DES PRODUCTEURS DE GRAINS, dont le siège est ..., et la FEDERATION NATIONALE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE ; les requérants demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 26 avril 2002 portant extension de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre signé le 28 février 2002 ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le traité en date du 25 mars 1957 modifié, instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;
Vu le règlement (CE) n° 26/1962 du Conseil du 4 avril 1962 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles ;
Vu le règlement (CE) n° 2100/1994 du Conseil du 28 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales ;
Vu le règlement (CE) n° 1768/1995 de la Commission établissant les modalités d'application de la dérogation prévue à l'article 14, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil du 28 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, modifié par le règlement (CE) n° 2605/1998 de la Commission du 3 décembre 1998 ;
Vu le code rural ;
Vu le code de commerce ;
Vu le décret n° 62-585 du 18 mai 1962 relatif au groupement national interprofessionnel des semences, graines et plants (G.N.I.S.) ;
Vu l'arrêté du 10 mars 1981 relatif aux conditions d'extension des accords interprofessionnels ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Verclytte, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requérants demandent l'annulation, sous le n° 241645, de l'arrêté du 13 juillet 2001 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et du ministre de l'agriculture et de la pêche portant extension, pour la campagne de commercialisation 2001/2002, de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre signé le 26 juin 2001 et, sous le n° 247630, de l'arrêté du 26 avril 2002 des mêmes ministres portant extension, pour la campagne de commercialisation 2002/2003, de l'accord interprofessionnel relatif au renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre signé le 28 février 2002 ; que ces requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :
Sur les moyens tirés des irrégularités dont seraient entachés les arrêtés attaqués :
Considérant, en premier lieu que, comme le prévoit d'ailleurs l'arrêté du 10 mars 1981 relatif aux conditions d'extension des accords interprofessionnels, les ministres compétents pour décider l'extension d'un accord interprofessionnel au sens de l'article L. 623-3 du code rural sont les ministres chargés de mettre en oeuvre la politique du gouvernement dans les domaines de l'agriculture et de la concurrence ; que la seule circonstance que l'application des accords étendus par les arrêtés interministériels attaqués aurait intéressé des petites entreprises de négoce ou de façonnage ne suffit pas à imposer que les arrêtés interministériels attaqués fussent également signés par le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises et au commerce ;
Considérant, en second lieu, que dans le dernier état de leurs écritures, les requérants ne contestent pas que, comme le soutiennent les ministres défendeurs, les accords étendus par les arrêtés attaqués ont été notifiés en temps utile à la Commission européenne, conformément aux dispositions du règlement (CE) n° 1768/1995 de la Commission ; que le moyen tiré de ce que cette notification n'aurait pas été effectuée doit donc être regardé comme manquant en fait ;
Sur les moyens tirés de ce que les conditions d'adoption des accords étendus par les arrêtés attaqués interdisaient une telle extension :
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 632-1 du code rural : Les groupements constitués par les organisations professionnelles les plus représentatives de la production agricole et, selon les cas, de la transformation, de la commercialisation et de la distribution peuvent faire l'objet d'une reconnaissance en qualité d'organisation interprofessionnelle par l'autorité administrative compétente après avis du conseil supérieur d'orientation de l'économie agricole et alimentaire, soit au niveau national, soit au niveau d'une zone de production, par produit ou groupe de produits déterminés... ; qu'aux termes de l'article L. 632-4 du même code : l'extension des accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue est subordonnée à l'adoption de leurs dispositions par les professions représentées dans l'organisation interprofessionnelle, par une décision unanime. Toutefois, pour les accords ne concernant qu'une partie des professions représentées dans ladite organisation, l'unanimité de ces seules professions est suffisante à condition qu'aucune autre profession ne s'y oppose ;
Considérant, d'une part, que les articles L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-3 du code rural n'imposent pas que les groupements reconnus en qualité d'organisations interprofessionnelles, dans le cadre desquels peuvent être conclus des accords susceptibles d'être étendus, réunissent la totalité des organisations professionnelles représentatives du secteur concerné ; que le ministre a pu légalement reconnaître à l'association générale des producteurs de blé (AGPB), eu égard à la part significative de la production de blé tendre qu'elle représente, la qualité d'organisation représentative de ce secteur professionnel ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prévoyant une représentation spécifique ni pour les petits producteurs de blé tendre, ni pour les trieurs à façon ; qu'ainsi, en tout état de cause, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la composition de la section céréales à paille du groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) ne répondrait pas aux exigences du I de l'article L. 632-1 ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les accords étendus par les arrêtés attaqués ont été signés par la totalité des représentants des professions concernées par ces accords, soit l'ensemble des professions représentées à la section céréales à paille du GNIS à l'exception des riziculteurs, que cet accord ne concerne pas ; qu'il ressort du dossier qu'aucune autre profession ne s'y est opposée ; que, dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les accords en cause ne remplissaient pas les conditions de forme posées par l'article L. 632-4 du code rural pour bénéficier de la procédure d'extension prévue à l'article L. 632-3 du même code ;
Sur les moyens tirés de l'incompatibilité des accords avec les règles communautaires de la politique agricole commune et de la concurrence :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 42 du traité CE (devenu article 36 CE) : Les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce de produits agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil (...) ; qu'aux termes de l'article 85 (devenu article 81 CE) : 1- Sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à (...) fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente (...). 2- Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de plein droit. 3- Toutefois les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables (...) sous certaines conditions ; qu'aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 26/62 du Conseil du 4 avril 1962 portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce de produits agricoles : 1- L'article 81, paragraphe 1 du traité est inapplicable aux accords, décisions et pratiques qui font partie intégrante d'une organisation nationale de marché ou qui sont nécessaires à la réalisation des objectifs énoncés à l'article 33 du traité. Il ne s'applique pas en particulier aux accords, décisions ou pratiques d'exploitants agricoles, d'associations d'exploitants agricoles ou d'associations de ces associations ressortissant à un seul Etat membre, dans la mesure où, sans comporter l'obligation de pratiquer un prix déterminé, ils concernent la production ou la vente de produits agricoles (...) à moins que la commission ne constate qu'ainsi la concurrence est exclue ou que les objectifs de l'article 33 du traité sont mis en péril. ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article 14 du règlement (CE) n° 2100/1994 du Conseil du 28 juillet 1994 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, les agriculteurs produisant plus de 92 tonnes par an utilisant comme semences le produit de la récolte obtenu par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d'une variété bénéficiant d'une protection communautaire des obtentions végétales (...) sont (...) tenus de payer au titulaire une rémunération équitable, qui doit être sensiblement inférieure au montant perçu pour la production sous licence de matériel de multiplication de la même variété ; que l'article 5 du règlement (CE) n° 1768/1995 de la Commission établissant les modalités d'application de ces dispositions, tel que modifié par le règlement (CE) n° 2605/1998 de la Commission du 3 décembre 1998, dispose que, hormis les cas où la rémunération équitable ainsi prévue fait l'objet d'un contrat entre le titulaire et l'agriculteur concernés, lorsque (...) le niveau de la rémunération fait l'objet d'accords entre organisations de titulaires et d'agriculteurs, avec ou sans la participation d'organisations de transformateurs, établies dans la Communauté, au niveau communautaire, national ou régional, les niveaux convenus servent de lignes directrices pour la détermination de la rémunération à verser dans la région et pour l'espèce en cause ;
Considérant que les accords étendus par les arrêtés attaqués instituent une cotisation obligatoire de 0,5 euro par tonne de blé tendre, prélevée par des collecteurs agréés sur l'ensemble des livraisons de blé tendre effectuées par les agriculteurs produisant plus de 92 tonnes par an, et dont 35 % du produit sont répartis entre les sociétés ayant vendu des semences certifiées, afin qu'elles ristournent aux agriculteurs qui leur ont acheté ces semences le montant de la cotisation proportionnel à leurs achats, le solde étant attribué pour 85 % à des obtenteurs de variétés effectuant des recherches sur le blé tendre et pour 15 % à un fonds de soutien à l'obtention végétale ;
Considérant, en premier lieu, que le dispositif ainsi institué conduit à ce que les agriculteurs utilisant des semences certifiées supportent à ce titre des sommes supérieures au double de celles qu'acquittent les agriculteurs utilisant des semences de ferme ; qu'il ne met donc pas à la charge de ces derniers des sommes excédant la rémunération équitable prévue par le paragraphe 3 de l'article 14 précité du règlement du 28 juillet 1994, dont le niveau pouvait légalement, au regard des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 1768/1995 de la Commission, être fixé par la voie d'accords interprofessionnels ;
Considérant, en second lieu, que ce dispositif n'aboutit pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à instaurer une entrave à la libre fixation du prix de la semence de ferme par les opérateurs du marché concerné ; que ce dispositif pouvait donc bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions précitées de l'article 2 du règlement du Conseil du 4 avril 1962 ; que la Commission européenne, à laquelle ce dispositif a été notifié, n'a pas constaté, dans le cadre des pouvoirs que lui confèrent ces dispositions, qu'il excluait la concurrence ou mettait en péril les objectifs de la politique agricole commune définis par l'article 33 du traité instituant la Communauté européenne ; que, dans ces conditions, et alors même que les cotisations obligatoires seraient, dans une très faible proportion, susceptibles d'être exigées d'agriculteurs employant des semences de ferme issues de variétés ne bénéficiant plus d'une protection communautaire, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'extension des accords en cause serait contraire aux règles de la politique agricole commune ou priverait d'effet utile les règles communautaires en matière de concurrence ;
Sur les moyens tirés de l'incompatibilité des accords en cause avec les dispositions de l'article L. 632-3 du code rural :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 632-3 du code rural : Les accords conclus dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue peuvent être étendus, pour une durée déterminée, en tout ou partie, par l'autorité administrative compétente lorsqu'ils tendent, par des contrats types, des conventions de campagne et des actions communes conformes à l'intérêt général et compatibles avec les règles de la politique agricole commune, à favoriser : (...) 4°) La qualité des produits (...) / 5°) Les relations interprofessionnelles dans le secteur intéressé, notamment par l'établissement de normes techniques et de programmes de recherche appliquée et de développement (...) ; qu'aux termes de l'article L. 632-6 du même code : Les organisations interprofessionnelles reconnues (...) sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixée aux articles L. 632-3 et L. 632-4 et qui, nonobstant leur caractère obligatoire, demeurent des créances de droit privé (...) ;
Considérant qu'en tant qu'ils déterminent des modalités de paiement de la rémunération équitable due aux obtenteurs de semences certifiées, d'une part, et qu'ils encouragent le développement de la recherche de semences nouvelles, d'autre part, les accords étendus par les arrêtés attaqués répondent, contrairement à ce que soutiennent les requérants, aux objectifs identifiés par les dispositions précitées du 4° et du 5° de l'article L. 632-3 du code rural ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requêtes ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamné à verser aux requérants la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la COORDINATION NATIONALE POUR LA DEFENSE DES SEMENCES FERMIERES, du SYNDICAT DES TRIEURS A FACON DE FRANCE, de la CONFEDERATION PAYSANNE, de la COORDINATION RURALE-UNION NATIONALE, de la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS FAMILIAUX, de l'ORGANISATION DES PRODUCTEURS DE GRAINS et de la FEDERATION NATIONALE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COORDINATION NATIONALE POUR LA DEFENSE DES SEMENCES FERMIERES, au SYNDICAT DES TRIEURS A FACON DE FRANCE, à la CONFEDERATION PAYSANNE, à la COORDINATION RURALE-UNION NATIONALE, à la CONFEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'EXPLOITANTS FAMILIAUX, à l'ORGANISATION DES PRODUCTEURS DE GRAINS, à la FEDERATION NATIONALE DE L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE, au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.