Vu la requête, enregistrée le 22 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 décembre 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 décembre 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Mohammed X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Paris ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 et publiée par décret du 29 janvier 1981 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme de Clausade, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Blanc, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. X à la requête du PREFET DE POLICE :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ; qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'il s'agisse d'un arrêté d'expulsion pris selon la procédure normale ou d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X est entré en France en 1998 et qu'il vit maritalement depuis plusieurs années avec une ressortissante portugaise, titulaire d'une carte de résident, et dont il a eu un enfant né le 27 février 2000 ; que, la personne avec qui il vit maritalement n'ayant pas encore pu faire homologuer son divorce par les juridictions de son pays d'origine, M. X ne peut bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'atteinte portée à son droit au respect de sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des motifs du refus ; que, par suite, le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 décembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. Mohammed X et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.