Vu la requête, enregistrée le 12 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 6 mars 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mme Y..., épouse Y ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y..., de nationalité colombienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 24 août 2001, de l'arrêté du même jour par lequel le PREFET DE POLICE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'elle se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet de police peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... est entrée en France avec sa fille, en 1995, après avoir été abandonnée par son mari, qu'elle y séjourne depuis lors et qu'elle y a fixé le centre de sa vie privée et familiale ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DE POLICE a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise et méconnaît, par suite, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 26 novembre 2001 ;
Sur les conclusions de Mme Y... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à payer à Mme Y... la somme de 730 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête du PREFET DE POLICE est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Mme Y... la somme de 730 euros euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mme Maria X...
Y... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.