Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2001 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté, en date du 20 juin 2001, ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Emeline Y ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle Y devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Morellet-Steiner, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que, pour contester l'arrêté du 20 juin 2001 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné sa reconduite à la frontière, Mlle Y fait valoir qu'elle est entrée en France pour y rejoindre sa mère qui y séjourne régulièrement et ses demi-frères et sours qui constituent ses seules attaches familiales depuis le décès de son père et de son frère dans son pays d'origine ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'intéressée, qui est célibataire et sans enfant, n'est entrée en France, le 11 juillet 2000, à l'âge de 28 ans, que trois ans après le décès de son père et deux ans après celui de son frère, et qu'elle n'établit pas n'avoir plus d'attache effective dans son pays d'origine ; qu'eu égard à ces circonstances et compte tenu de la brièveté et des conditions de son séjour en France, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas, en prenant l'arrêté attaqué, porté une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris au droit de Mlle Y au respect de sa vie familiale, ni, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur cette prétendue méconnaissance pour annuler l'arrêté attaqué ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par Mlle Y ;
Sur la légalité de l'arrêté de reconduite :
Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 20 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y énonce les considérations de fait et de droit sur lesquels il se fonde ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : le représentant de l'Etat dans le département, et à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français... ; 2°) si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa... ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Y est entrée régulièrement en France le 11 juillet 2000 munie d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour ; qu'elle n'était, toutefois, en possession d'aucun document de voyage ni d'aucune pièce justifiant de la régularité du séjour lors de son interpellation, le 19 juin 2001 ; que, si le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS s'est à tort fondé, pour prendre l'arrêté du 20 juin 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière, sur les dispositions précitées du 1° de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 qui n'étaient pas applicables à l'intéressée, il y a lieu de substituer, comme fondement légal de son arrêté, les dispositions précitées du 2°) du même article, dès lors que Mlle Y s'était maintenue sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa, le préfet pouvait légalement ordonner sa reconduite à la frontière, que cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressée des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre des deux dispositions susrappelées ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de renvoi :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ; que cette disposition n'implique nullement, contrairement à ce que soutient Mlle Y, que l'indication du pays de destination doive figurer impérativement dans une décision matériellement distincte de l'arrêté de reconduite à la frontière lui-même ; qu'elle signifie simplement que la décision fixant le pays de renvoi peut faire l'objet d'un recours séparé ;
Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qu'estime Mlle Y, l'arrêté du 20 juin 2001 comporte une telle décision, dès lors qu'en indiquant , dans le dispositif dudit arrêté, que cette dernière devait être reconduite vers son pays d'origine ou vers le pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou vers tout pays dans lequel elle serait légalement admissible, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS doit être regardé comme ayant décidé qu'elle pourrait être reconduite, notamment, vers le pays dont elle a la nationalité ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements inhumains et qu'aux termes de l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacés ou qu'il y serait exposé à des traitements dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que Mlle Y n'apporte, au soutien de ses allégations relatives aux dangers qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, aucun justificatif ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'aurait commise le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, en fixant, notamment, le Congo comme pays de renvoi, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 2 juillet 2001, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 20 juin 2001 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Y ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mlle Y devant le tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; que la présente décision n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'enjoindre au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de lui délivrer un titre de séjour, présentées par Mlle Y, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement en date du 2 juillet 2001 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant ce tribunal par Mlle Y est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, à Mlle Emeline Y et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.