Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Y... , demeurant chez Mlle X... , ... ; Mme demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2002 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2002 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Artaud-Macari, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : ... 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans... ;
Considérant qu'indépendamment de l'énumération, figurant à l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, notamment d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à l'encontre d'un étranger que si ce dernier est en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France ; que, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit recevoir de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des documents précis et concordants produits par elle, qu'à la date à laquelle le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière, Mme résidait en France habituellement depuis plus de dix ans ; qu'elle pouvait ainsi prétendre de plein droit au bénéfice d'une carte de séjour temporaire en application des dispositions législatives précitées ; que, par suite, en décidant la reconduite à la frontière de l'intéressée, le préfet de police a méconnu ces dispositions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police du 14 mai 2002 décidant sa reconduite à la frontière ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris du 31 octobre 2002 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de police du 14 mai 2002 est annulé.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Y... , au préfet de police et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.