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29/09/2003 | FRANCE | N°224058

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 29 septembre 2003, 224058


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août 2000 et 11 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 13 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 1996 rejetant ses demandes en tant qu'elles tendaient, d'une part, à l'étalement de l'impôt sur son revenu des années 1988 et 1991 et d'autre p

art, à la réduction et l'étalement de l'impôt sur son revenu de l'année ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août 2000 et 11 décembre 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Alain X, demeurant ... ; M. X demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt en date du 13 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 1996 rejetant ses demandes en tant qu'elles tendaient, d'une part, à l'étalement de l'impôt sur son revenu des années 1988 et 1991 et d'autre part, à la réduction et l'étalement de l'impôt sur son revenu de l'année 1993 ;

2°) de faire restituer par le Trésor public les droits d'impôt sur le revenu, majorés des intérêts de droit perçus au titre des revenus différés des années 1988 et 1991 ;

3°) de le décharger de l'impôt dû au titre de 1993 et d'ordonner au Trésor public de restituer les droits acquittés à tort, majorés des intérêts de droit ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré présentée pour M. X ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Herondart, Auditeur,

- les observations de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de M. X,

- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 163 du code général des impôts, applicable à l'imposition des revenus jusqu'en 1991 : Lorsque, au cours d'une année, un contribuable a réalisé un revenu exceptionnel, tel que la plus-value d'un fonds de commerce ou la distribution de réserves d'une société, et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander qu'il soit réparti, pour l'établissement de cet impôt, sur l'année de sa réalisation et les années antérieures non couvertes par la prescription (...) La même faculté est accordée au contribuable qui, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu, au cours d'une même année, la disposition de revenus correspondant, par la date normale de leur échéance, à une période de plusieurs années ;

Considérant qu'aux termes de l'article 163-0 A du code général des impôts, applicable à compter de l'imposition des revenus de 1992 : Lorsque au cours d'une année un contribuable a réalisé un revenu qui par sa nature n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement et que le montant de ce revenu exceptionnel dépasse la moyenne des revenus nets d'après lesquels ce contribuable a été soumis à l'impôt sur le revenu au titre des trois dernières années, l'intéressé peut demander que l'impôt correspondant soit calculé en ajoutant le quart du revenu exceptionnel net à son revenu net global et en multipliant par quatre la cotisation supplémentaire ainsi obtenue. La même faculté est accordée au contribuable qui, par suite de circonstances indépendantes de sa volonté, a eu, au cours d'une même année, la disposition de revenus correspondant, par la date normale de leur échéance, à une période de plusieurs années, même si ce montant n'excède pas la moyenne des revenus nets imposables des trois dernières années ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X, administrateur judiciaire à Brest, a géré trois fonds de limitation de responsabilité de navires à la suite des naufrages des pétroliers Boelhen en 1976, Amoco-Cadiz en 1978 et Tanio en 1980 ; qu'à ce titre, il a perçu des honoraires de 350 000 F en 1988, 480 000 F en 1991 et 5 000 000 F en 1993 ; qu'il a adressé des réclamations à l'administration fiscale pour obtenir l'étalement des impositions résultant des honoraires perçus en 1988 et 1991, en application des dispositions de l'article 163 du code général des impôts ; que l'administration fiscale a rejeté ces réclamations; qu'il a déclaré les honoraires perçus en 1993 en demandant le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts pour 1993 ; que l'administration a mis en recouvrement l'impôt sur le revenu de M. X conformément à cette demande ; qu'à la suite d'une réclamation du contribuable tendant à la rectification d'erreurs de calcul dans la détermination du montant de l'impôt, l'administration, tout en rectifiant ces erreurs, a remis en cause, en application des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'article 163-0-A ;

Considérant que M. X se pourvoit régulièrement en cassation contre l'arrêt en date du 13 juin 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 décembre 1996 rejetant ses demandes tendant, d'une part, à l'étalement des impositions sur son revenu des années 1988 et 1991 et, d'autre part, à la réduction et à l'étalement de l'impôt sur son revenu de l'année 1993 ;

En ce qui concerne la régularité de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, repris à l'article R. 613-3 du code de justice administrative : Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction ; qu'aux termes de l'article R. 157 du même code, repris à l'article R. 613-4 du code de justice administrative : Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décision est notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une ordonnance du 11 janvier 2000, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a fixé la date de clôture de l'instruction le 29 février 2000 ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a produit avant cette clôture un mémoire qui répondait à un moyen soulevé par M. X ; qu'ainsi le président de la cour n'était pas tenu de procéder à la réouverture de l'instruction ; que la circonstance que ce mémoire a été communiqué au requérant en l'invitant à produire des observations éventuelles ne peut être regardée comme une mesure d'investigation de nature à entraîner la réouverture de l'instruction; que, par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 156 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors en vigueur, la cour n'avait pas à viser les nouvelles observations présentées par M. X après la clôture de l'instruction ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Sur les moyens tirés de l'irrégularité de la compensation opérée pour l'année 1993 :

Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que l'admission d'une demande de compensation présentée par l'administration devant le juge de l'impôt, en application de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, n'implique pas qu'une procédure administrative comportant une notification de redressements doive être préalablement engagée ;

Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que M. X ne pouvait utilement invoquer, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales, l'instruction 5-B-12-93 en date du 9 juin 1993, qui prescrit à l'administration d'adresser au contribuable une notification de redressement avant de remettre en cause le mécanisme du quotient, dès lors que cette note traite de questions touchant à la procédure d'imposition ; qu'elle n'a pas plus commis d'erreur de droit en estimant que le bénéfice de cette instruction ne peut pas être invoqué sur le fondement du décret du 28 novembre 1983, aux termes duquel tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions... publiées dans les conditions prévues à l'article 9 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements, dès lors qu'en publiant cette instruction, le ministre a pris une mesure qu'aucune disposition de loi ou de règlement ne lui donnait compétence pour édicter ; qu'enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour administrative d'appel n'a pas non plus commis d'erreur de droit en estimant que le fait que l'administration ait établi l'imposition primitive en lui accordant le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A du code général des impôts sur la base de sa déclaration de revenus ne constituait pas une prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

Sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition :

Considérant que les arrêtés pris en application des dispositions de l'article 1658 du code général des impôts qui autorisent les préfets à déléguer aux directeurs des services fiscaux et à leurs collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire leur pouvoir d'homologation des rôles établis par ces chefs de service, n'ont pas à désigner nominativement les fonctionnaires recevant cette délégation de pouvoir ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que le directeur divisionnaire, signataire du rôle qui a mis en recouvrement l'imposition contestée, agissant en vertu d'un arrêté pris par le préfet du Finistère le 20 décembre 1993 qui donnait délégation de pouvoir au directeur des services fiscaux du même département et à ses collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire, était compétent pour rendre ce rôle exécutoire ;

Sur les moyens tirés de l'application des articles 163 et 163-0-A du code général des impôts :

Considérant qu'en estimant que les versements des honoraires perçus par M. X en 1988, 1991 et 1993 qui sont intervenus à leur date normale d'échéance en fin de procédure, ne pouvaient être regardés comme des revenus différés au sens des articles 163 et 163-0 A du code général des impôts, la cour, par un arrêt suffisamment motivé sur ce point, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant qu'en estimant que les honoraires perçus en 1993, qui rémunéraient une mission qui, en dépit de sa complexité et de sa durée, entrait dans le cadre habituel de la profession d'administrateur judiciaire, ne pouvaient être regardés comme un revenu qui, par sa nature, ne peut être recueilli au cours d'une seule année, la cour, par un arrêt suffisamment motivé, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Alain X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 224058
Date de la décision : 29/09/2003
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02-03-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LE REVENU. DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE. ÉTALEMENT DES REVENUS. - REVENUS DIFFÉRÉS (ART. 163 ET 163-0-A DU CGI) - NOTION - HONORAIRES PERÇUS PAR UN ADMINISTRATEUR JUDICIAIRE - ABSENCE [RJ1] - A) HONORAIRES PERÇUS À LEUR DATE D'ÉCHÉANCE EN FIN DE PROCÉDURE - B) HONORAIRES RÉMUNÉRANT UNE MISSION ENTRANT DANS LE CADRE HABITUEL DE LA PROFESSION - DURÉE ET COMPLEXITÉ DE LA MISSION SANS INCIDENCE.

19-04-01-02-03-03 a) En estimant que des honoraires perçus par un administrateur judiciaire à leur date normale d'échéance et en fin de procédure ne peuvent être regardés comme des revenus différés au sens des articles 163 et 163-0 A du code général des impôts, une cour administrative d'appel ne qualifie pas inexactement les faits qui lui sont soumis.,,b) En estimant que des honoraires perçus en rémunération d'une mission qui, en dépit de sa complexité et de sa durée, entrait dans le cadre habituel de la profession d'administrateur judiciaire, ne peuvent être regardés comme un revenu qui, par sa nature, ne peut être recueilli au cours d'une seule année, une cour ne qualifie pas inexactement les faits qui lui sont soumis.


Références :

[RJ1]

Rappr. 17 mai 1989, Gadais, T. p. 607 ;

1er décembre 1999, Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie c/ Drai, n° 193264, RJF 1/00 n°8.


Publications
Proposition de citation : CE, 29 sep. 2003, n° 224058
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Robineau
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: Mme Maugüé
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2003:224058.20030929
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