Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Aden X, domicilié chez Mme X ... ; M. X demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir la décision du 26 juin 2000 par laquelle le consul général de France à Vienne lui a refusé un visa d'entrée sur le territoire français ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dayan, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. X,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, ressortissant turc, demande l'annulation de la décision en date du 26 juin 2000 par laquelle le consul général de France à Vienne a refusé de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour en France en qualité de conjoint de ressortissant français ;
Sur la légalité de la décision attaquée et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que le premier paragraphe de l'article 5 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 et publiée par le décret du 21 mars 1995 énumère les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance à un étranger par les autorités de l'un des Etats parties à la convention d'un visa d'entrée sur le territoire de cet Etat pour une période n'excédant pas trois mois ; qu'au nombre de ces conditions, figure celle de ne pas être signalé aux fins de non admission ; qu'aux termes du paragraphe 2 de cet article : L'entrée sur les territoires des Parties contractantes doit être refusée à l'étranger qui ne remplit pas l'ensemble de ces conditions, sauf si une Partie estime nécessaire de déroger à ce principe pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales (...) ; que le respect des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales figure au nombre de ces obligations internationales ;
Considérant que pour refuser à M. X le visa d'entrée sur le territoire français que celui-ci avait demandé le 3 avril 2000 pour rejoindre Mme Sabuha Palta, de nationalité française, qu'il avait épousée le 1er février 2000, le consul général de France à Vienne s'est fondé sur le fait que ce mariage n'avait été contracté que pour permettre à M. X de séjourner régulièrement en France et sur la circonstance que l'intéressé faisait l'objet d'un signalement au Système d'information Schengen ;
Considérant que le ministre, d'une part, n'établit pas de manière certaine le caractère frauduleux de ce mariage et, d'autre part, ne donne aucune indication sur les motifs qui avaient entraîné le signalement de M. X au Système d'information Schengen par les autorités allemandes ; que, dans ces conditions, et en l'absence de toute allégation sur la menace que la présence de M. X sur le territoire français pourrait faire peser sur l'ordre public, le refus de délivrance du visa de court séjour en France a porté au droit de M. X au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ce refus lui a été opposé et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. X est dès lors fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrite la délivrance d'un visa à M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique normalement la délivrance d'un visa d'entrée en France à M. X ; que, toutefois, il appartient au Conseil d'Etat, lorsqu'il est saisi, sur le fondement des dispositions précitées, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution dans un sens déterminé, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'invités par lettre du président de la dixième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat à faire savoir si la situation de M. X avait été modifiée en fait ou en droit, depuis l'intervention de la décision litigieuse, dans des conditions telles que sa demande serait devenue sans objet, ou que des circonstances postérieures à la date de ladite décision permettraient désormais de fonder légalement une nouvelle décision de rejet, le requérant a répondu qu'aucun changement n'était intervenu dans la situation de M. X et le ministre des affaires étrangères a informé le Conseil d'Etat que les autorités consulaires françaises à Vienne ignorent le statut et la résidence actuels de M. X ; que, par suite, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de prescrire à l'autorité compétente la délivrance à M. X, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, d'un visa d'entrée en France ; que, dans les circonstance de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du consul général de France à Vienne refusant à M. X un visa d'entrée en France est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'autorité compétente de délivrer un visa d'entrée en France à M. X dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Aden X et au ministre des affaires étrangères.