Vu la requête, enregistrée le 4 février 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE, dont le siège est ... ; l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la circulaire du 28 décembre 2000 du ministre de l'agriculture et de la pêche relative à l'organisation économique dans les secteurs de l'élevage bovin et ovin ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 812 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE,
- les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE conteste plusieurs dispositions de la circulaire du 28 décembre 2000 relative à l'organisation économique dans les secteurs de l'élevage bovin et ovin par laquelle le ministre de l'agriculture et de la pêche a défini la procédure de demande de reconnaissance des organisations de producteurs mentionnées à l'article L. 551-1 du code rural et fixé les critères de leur reconnaissance dans les secteurs de l'élevage bovin et ovin ;
Considérant que l'interprétation que, par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne saurait, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même si l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;
Considérant, d'une part, que la circulaire attaquée, en prévoyant au point 3-3 du titre 1er de sa deuxième partie que l'organisation de producteurs met en place un dispositif de traitement des informations provenant des adhérents en vue de déterminer la totalité des volumes à commercialiser, structurer cette offre par catégorie d'animaux et la segmenter pour la vente dans ses circuits, se borne à tirer les conséquences des compétences dévolues aux organisations de producteurs par les dispositions de l'article L. 551-1 du code rural dans sa nouvelle rédaction issue de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 ; qu'ainsi, ces dispositions, qui n'ont d'ailleurs pas, par elles-mêmes, d'incidence sur le régime des aides susceptibles de bénéficier aux producteurs, ne sont pas illégales ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes des points 1-1, 2-2 et 4-1 du titre I et du titre II de la deuxième partie de la circulaire, ainsi que du point 11 de son annexe I, que le ministre de l'agriculture a donné à ses services départementaux, chargés d'instruire les demandes des organisations de producteurs tendant à obtenir la reconnaissance prévue par l'article L. 551-1 du code rural, la consigne formelle de ne sélectionner que celles des organisations dont les statuts comportaient une organisation selon deux niveaux d'engagements des producteurs, assortis d'obligations précises en matière de commercialisation des produits des exploitants, et qui justifieraient d'un taux de pénétration représentant au moins dix pour cent des animaux commercialisés dans leur zone de reconnaissance ; que le caractère impératif de ces consignes n'est en l'espèce pas affecté par la circonstance que le ministre a mentionné, à la fin de sa circulaire, qu'il se réservait la possibilité d'accorder exceptionnellement la reconnaissance à des organisations qui ne rempliraient pas ces deux critères ; qu'ainsi le ministre a fixé une règle nouvelle qu'il n'entrait pas dans sa compétence d'édicter ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, ces dispositions doivent être annulées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l'Etat à verser une somme de 3 000 euros à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Dans la circulaire du 28 décembre 2000 du ministre de l'agriculture les dispositions des points 1-1, 2-2 et 4-1 du titre I de la deuxième partie, du titre II de la même partie et du point 11 de l'annexe I sont annulées.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : L'Etat paiera à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DES LIBERTES DES ELEVEURS ET DES ACTEURS DES FILIERES DE L'ELEVAGE et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.