Vu la requête, enregistrée le 2 mai 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 mars 2002 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté en date du 2 novembre 2001 décidant la reconduite à la frontière de Mlle X... ;
2°) de rejeter la demande de Mlle X... présentée à ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention sur les droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (.)" ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, "1. Toute personne a droit au respect de sa privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle X..., de nationalité chinoise, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 22 mai 2001, de la décision du même jour du PREFET DE POLICE lui refusant un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant que si Mlle X... fait valoir qu'elle vit en France depuis de nombreuses années, que sa mère y réside également et qu'elle a eu un enfant en mai 1998 qui y est né, il ressort des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que Mlle X... n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Chine et en l'absence de toute circonstance la mettant dans l'impossibilité de retourner vivre dans son pays d'origine avec son enfant, dont le père, qui d'ailleurs ne subvient pas à ses besoins, est également en situation irrégulière, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle X... le 2 novembre 2001 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par suite, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler son arrêté de reconduite à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mlle X... à l'appui de sa demande ;
Considérant que les stipulations de l'article 9 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 créent seulement des obligations entre les Etats contractant sans ouvrir de droits aux intéressés, et ne peuvent donc être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure de reconduite à la frontière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, "Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale" ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions les concernant ; qu'il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle X..., qui n'implique par lui-même aucune séparation entre l'intéressée et son enfant, ait méconnu les stipulations précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle X... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2001 ordonnant sa reconduite à la frontière ;
Article 1er : Le jugement du 5 mars 2002 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à Mlle Chengwei X... et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.