Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 février et 9 juin 2001, présentés pour la société SADCAR, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la société SADCAR demande que le Conseil d'Etat
1°) annule pour excès de pouvoir le décret du 11 décembre 2001 portant création de la réserve naturelle des Tre Padule de Suartone, en Corse, en tant qu'il procède au classement de trois parcelles dont elle est propriétaire ;
2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Blanc, avocat de la SOCIETE SADCAR,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la requête de la société SADCAR est dirigée contre le décret du 11 décembre 2001 portant création de la réserve naturelle des " Tre Padule de Suartone " en tant que sont entièrement comprises dans le périmètre classé les parcelles n° 208, 311 et 329 dont elle est propriétaire ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 242-7 du code rural, " Le préfet communique pour avis à la commission départementale des sites siégeant en formation de protection de la nature le rapport d'enquête et les avis recueillis " sur le projet de création d'une réserve naturelle ; qu'aux termes de l'article L. 144-6 du code de l'urbanisme : " Il est créé un conseil des sites de la Corse, qui se substitue à la commission régionale du patrimoine et des sites prévue à l'article 1er de la loi n° 97-179 du 28 février 1997, à la commission spécialisée des unités touristiques nouvelles prévue par l'article 7 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et à la commission départementale des sites prévue aux articles L. 146-4, L. 146-6 et L. 146-7./ Le conseil des sites de Corse exerce les attributions des organismes susmentionnés (.) " ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées qu'il appartenait bien au conseil des sites de la Corse d'être consulté sur le projet de création de la réserve des " Tre Padule de Suartone " ; que la société SADCAR ne peut utilement soutenir que l'avis rendu par le conseil des sites de la Corse le 6 mai 1998 est irrégulier au motif qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été rendu en " formation de protection de la nature " dès lors que les textes relatifs à cet organisme ne prévoient pas qu'il comprend une telle formation ; que le moyen tiré de ce que la procédure suivie pour la création de la réserve serait entachée d'irrégularité doit ainsi être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la création de la réserve naturelle des " Tre Padule de Suartone " est destinée à protéger les quatre mares temporaires du plateau de Campoceli, le ruisseau de Campucelli et les prairies humides qui les entourent, ainsi que les bassins versants de ces zones ; que la parcelle n° 311 alimente, dans sa quasi-totalité, en eaux de ruissellement, ledit ruisseau et les terrains alentour ; que si, en revanche, comme l'affirme la société requérante, la parcelle n° 208 et la partie sud-est de la parcelle n° 329 n'appartiennent pas aux bassins versants des mares et du ruisseau précités, l'auteur du décret a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, regarder les terrains en cause, situés en périphérie immédiate de ces bassins versants, comme nécessaires à la protection de la réserve naturelle des " Tre Padule de Suartone " ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le périmètre de la réserve inclut à tort les parcelles n° 208 et 311 et dans sa totalité la parcelle n° 309, ne peut être qu'écarté ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la société SADCAR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société SADCAR est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE SADCAR, au Premier ministre et au ministre de l'écologie et du développement durable.